Photo prise pendant la tournée de Sharat Jois à Bali, en Décembre 2018.

Un petit peu d’histoire

Une classe dite Mysore n’est pas un nouveau style de yoga.

Le nom vient de la ville appelée Mysore, située en Inde dans l’état du Karnataka, à une centaine de kilomètres de Bangalore.

Sri Pattabhi Jois y a établi son premier centre « Ashtanga Yoga Research Institute » chez lui, en 1948 à Lakshmipuram. En 1964 il a construit une extension pour y développer la pratique. C’est à ce moment là qu’André Van Lysebeth, pratiquant Belge, est venu pratiquer sous sa direction.

En 2002 devant la demande grandissante et l’engouement que généra la pratique de l’Ashtanga Vinyasa Yoga, Pattabhi Jois a ouvert une nouvelle école à Gokulam, située à Mysore.

Ce centre est toujours ouvert et tous les ans reçoit des milliers de pratiquants du monde entier, respectant le parampara. Pour être autorisé à enseigner l’Ashtanga Vinyasa Yoga il faut faire plusieurs voyages à Mysore, comprenant des séjours de trois mois sur plusieurs années. De nos jours Sharath Jois (petit fils de Sri Pattabhi) est le seul habilité à donner les autorisations. Pour résumer, personne ne peut enseigner l’Ashtanga Vinyasa Yoga s’il n’a pas suivi l’enseignement de Sharath Jois.

Vous pouvez voir la liste des professeurs autorisés, directement sur le site de l’école.

En quoi consiste une classe Mysore ?

C’est un cours non guidé. Chaque étudiant pratique sa série de manière autonome.

Dans les shalas traditionnels (de professeurs autorisés niveau I ou II), les cours commencent le dimanche et se terminent le vendredi. Le vendredi est un cours guidé. Les jours où l’on ne pratique pas sont les samedi, jours de pleine lune et jours de nouvelle lune. 

Lorsque l’on pratique à Mysore sous la direction de Sharath, il y a deux pratiques guidées par semaine. Le premier jour qui commence la semaine (soit le dimanche) et le dernier jour qui la clôture (soit le vendredi).

Ce que l’on y apprend…

A pratiquer.

Lorsqu’un débutant commence, il sera guidé par le professeur, et répètera les Suraya Namaskara A & B jusqu’à ce qu’il assimile parfaitement les enchainements. Ensuite sa pratique s’arrêtera là, il fera Padmasana et reviendra le lendemain. C’est un enseignement progressif.

Au fur et a mesure des jours, il commencera par apprendre les postures debout. Il les répètera jusqu’à ce que l’enchainement soit appris par coeur. Il n’est pas possible de commencer une pratique avec la liste des asanas posée à côté du tapis, l’idée étant de rendre le pratiquant indépendant dans sa pratique et de se concentrer sur sa respiration que représentent les Vinyasas.

Il peut donc arriver que le débutant répète plusieurs fois les asanas dans l’ordre. S’il en oublie un, et si le professeur est très traditionnel, il devra répéter la séquence depuis le début.

Là est souvent la difficulté que rencontrera le pratiquant en devenir.

Certains voudront aller trop vite en souhaitant faire des jump back et jump front, sans pour autant maitriser Chaturanga Dandasana et Adho Mukha Svanasana. Dans ce cas le professeur le tempère en lui disant de ne pas sauter. Et c’est là que l’ego entre en jeu.

Une classe Mysore n’a pas de niveau. Tout le monde pratique ensemble. Si à côté du débutant il y a une personne qui saute à tout va et enchaine les postures, souvent le débutant veut faire la même chose…. On croit que l’on sait faire alors qu’en fait on ne sait rien faire ou pas grand chose… La frustration peut alors pointer son bout de nez.

Il existe trois catégories de débutant.

Catégorie 1 – Celui qui ne comprend pas pourquoi il doit s’arrêter

Ou qui ne veut pas comprendre.

Il sera peut être arrêté à la série des Prasaritta Padotanasana, et le professeur lui demandera alors de tout reprendre depuis le début, y compris les Suraya Namaskara. Lorsque vous êtes au début de votre pratique, l’endurance n’est pas très bien développée, la concentration n’est pas à son top niveau, il se peut, il arrive parfois que l’étudiant le prenne mal.

Ce qu’il veut faire c’est un équilibre sur les mains avant de passer en Chaturanga Dandasana, car ça il maitrise. Il veut donc montrer au professeur qu’il « sait faire »….. sauf qu’il n’est pas capable de garder Trikonasana B plus de trois respirations….

Deux possibilités, ou alors il finit par comprendre et continuera à évoluer dans sa pratique.

Ou bien, il quittera le shala et si la pratique lui plait, ira prendre des cours dans un studio lambda qui enseigne la série de l’Ashtanga Yoga au complet, à tout le monde, avec des variations.

Catégorie 2 – Celui qui a fait une formation 200 Heures Ashtanga Vinyasa Yoga….

Je ne fais pas une généralité. Je parle de mon expérience et de ce que j’ai vu dans les shalas où je pratique, basée aussi sur les conversations que j’ai pu avoir avec ces personnes.

Certains étudiants qui ont suivi une formation de 200 Heures en Ashtanga Vinyasa Yoga, ont appris, PENDANT leur formation, l’existence de Pattabhi Jois….. et accessoirement de Krishnamacharya si la formation était « bonne »… Ca veut dire que beaucoup de personnes participant à une « Formation en Ashtanga Vinyasa », ne savent pas que des séries existent, s’ils le savent se demandent quand ils vont apprendre la deuxième série….. durant leur mois de formation….

Ils auront appris le comptage en « vinyasa », par coeur pour les meilleurs, même s’ils ne savent pas trop où ils doivent se situer à « Ashtao »…

Ils auront fait Supta Kurmasana avec des briques et des sangles sans problème, quant à Marichyasana D, la variation fera l’affaire.

Le problème des formations Ashtanga Vinyasa Yoga, c’est que souvent lesdits professeurs ne sont pas du tout des pratiquants, tout au plus ils auront mis le gros orteil au shala de Sarawasti (la mère de Sharat), pendant quelques jours, mais n’auront pas pris le temps de se dédier corps et âme à cette pratique…. car si c’était le cas, jamais ils ne donneraient des « certificats » attestant que des débutants peuvent enseigner l’Ashtanga Vinyasa.

Il existe des professeurs qui forment sur un mois en Ashtanga Vinyasa, et qui ne peuvent même pas passer Marichyasana D, ou pire le prof, qui postera une photo sur Instagram en faisant « Supta Kurmasana », posture pour laquelle il ne peut attraper ses mains, ni placer les pieds derrière la tête, en mettant une phrase « un jour j’y arriverai »…… là j’avoue j’en reste clouée.

Catégorie 3 – Celui qui écoute

Ce pratiquant arrive sur son tapis en toute humilité. Il sait déjà que la route sera longue et sinueuse et est prêt à la suivre.

Il acceptera les recommandations du professeurs sans broncher, il ne posera pas de question, et ne commentera pas les postures. 

Il fera la posture du mieux qu’il peut et au fur et a mesure des pratiques progressera de façon exponentielle.

En Novembre 2018 au shala de Iain Grysak, un homme avec une petite quarantaine a commencé sa première pratique. En un mois je l’ai vu progresser rapidement, en deux mois il s’arrêtait à Marichyasana D avec le sourire et jamais ne remettait en question l’enseignement de Iain.

Une autre jeune fille avec de très bonnes bases au demeurant, a passé son drop back en moins d’une semaine. J’avoue avoir été envieuse, car personnellement j’ai galéré pour les passer. Mais sa progression a été plus qu’impressionnante.

Ces pratiquants resteront et continueront à suivre l’enseignement traditionnel. 

La mauvaise réputation de l’Ashtanga Vinyasa Yoga

Elle vient souvent des pratiquants de catégorie 1 (voir 2), qui n’ont pu accepter d’être stoppé, ralentit, qui se sont blessés en voulant aller trop vite. Ceux là même vous diront que Sharath est un tyran (alors qu’ils ne l’ont jamais rencontré), vous expliqueront que le professeur était arrogant car toutes les cinq minutes il venait le déranger sur leur tapis….

Je sais bien qu’il existe de très mauvais ajustements en Ashanga Vinyasa, j’en ai fait les frais de la part même de la soeur de Sharath (très gentille, aucunement pratiquante), mais de manière générale les professeurs avec qui j’ai pratiqué ont toujours été des lumières sur mon chemin.

En revanche j’ai vu des comportements d’étudiants absolument débiles (dont une qui a balancé son tapis de yoga par la fenêtre), qui ne souhaitaient pas être imposé de quoique ce que soit et qui venaient avec un melon plus gros que les noix de coco à Ubud…

Les Postures de Yoga

Pour qu’une posture soit assimilée, intégrée, digérée par le corps, il faudrait pouvoir la pratique 1000 fois.

C’est une des raisons pour laquelle, la plupart d’entre nous, pratiquons la Première Série pendant au moins une année, voir plus en fonction de l’âge et des possibilités de chacun. La deuxième série n’est introduite qu’une fois seulement la première maitrisée.

C’est donc un travail de fond et non de la consommation de postures de yoga.

La pratique doit être régulière et constante.

Au début elle ne sera que physique. Il faudra attendre le troisième mois d’une pratique continue pour commencer à en ressentir les bienfaits sur le mental et l’esprit.

Chaque posture vous prépare à la suivante. Il est donc logique de les maitriser avant de vouloir partir sur une nouvelle.

Il peut exister une frustration lorsque le professeur vous dit « ta pratique s’arrête là ». Ca nous ramène à un échec. On se dit qu’on n’est pas assez bon. Personnellement je suis très contente d’être arrêtée à Laghu Vajrasana, je n’ai pas tellement hâte d’aller visiter la série des Kapotasana et consoeurs.

A cause de ma douleur à l’épaule, j’ai décidé ce mois ci de revoir mes bases et de ne pratiquer que la première série, ce qui a pour conséquence d’améliorer ma pratique déjà acquise et me rendra plus forte pour la deuxième. Quelque part je sens que je ne suis pas complètement prête à affronter la deuxième.

Devenir Autonome

C’est l’un des points principales de la pratique.

Le fait de connaitre la série par coeur, vous autorise une concentration totale (Dharana), permet de placer son corps dans l’espace grâce à l’usage des Drishtis, oblige une respiration pour chaque mouvement. 

A partir du moment où l’on bouge sur le tapis, le mouvement pour entrer dans la posture, inclut un ou deux vinyasa, rester dans la posture pour la garder stable vous oblige à respirer, et le moment d’en sortir comptera aussi un vinyasa. Chaque mouvement est donc millimitré, on n’en fait pas trop, mais pas moins non plus.

Le nombre de respiration

Les postures sont gardées cinq respirations, ce qui pour nombre de personnes est un non sens, ce sont les mêmes qui catégorisent cette pratique comme étant trop rapide durant laquelle on n’apprend rien, si ce n’est faire de l’acrobatie….

En fait je dirai que tout dépend de votre respiration. Si vous prenez de longues inspirations avec de longues expirations, rester cinq temps dans Kakasana ou Bhujapidasana peut vite devenir un challenge. On est donc loin très loin des Vinyasa Flow dans lesquels les postures sont enchaînées les unes à la suite des autres.

La Première Série, bien faite, bien placée, bien respirée dure à peu près 1h30. Dès lors que vous commencez à ajouter les postures de la deuxième série, votre pratique se verra allonger. Il y a des pratiquants qui restent sur leur tapis deux heures et demi.

Ce n’est pas du cirque

Plus on avance dans la pratique plus les postures de yoga sont compliquées en terme physique. Bien heureusement la Première Série aura préparé votre corps physique et votre mental pour justement aborder les séries de façon sereine, sans forcer.

Une fois que les postures sont bien maitrisées, les transitions deviennent faciles. De Supta Kurmasana, on passera à Titibhasana puis Kakasana pour finir en Chaturanga Dandasana.

Ce sont de belles pratiques. On apprend que quelque soit notre âge, notre genre, si le corps est bien préparé on peut tout faire.

Personnellement j’encourage tous les curieux, tous ceux qui pensent savoir et ont une opinion bien fermée sur cette pratique de venir à un cours Mysore. 

Lorsque vous voyez les pratiquants évolués sur leur tapis, la concentration dans leur regard, le respect du mouvement, vous comprendrez alors que tous les autres cours nommés « Vinyasa », « Vinyasa Flow », ou tout autre cours incluant des Vinyasas, ont pris leur source dans la pratique même de l’Ashtanga Vinyasa Yoga.

Personne n’a rien inventé.

Je reste une spectatrice des professeurs bien pensant qui ont créé leur « propre » style de « yoga » avec des noms tonitruants qui en jettent.

Je m’en rappelle d’un en particuliers, dès lors qu’il a su que j’étais une pratique d’Ashtanga, c’est tout de suite empressé de me dire à quel point son « style » de yoga était plus libre et plus fluide que cette méthode Moyen Ageuse. J’ai pris son cours, et je me suis rendue compte que ce n’était rien d’autre qu’un cours couvrant les principes de Jivamukti, jumelés à ceux de l’Ashtanga Vinyasa. Fondamentalement il n’avait rien créé. Seulement copier, mélanger, enfourner et donner un nouveau nom.

Cela ne me dérange pas en soi, ce qui a tendance à me taper un peu sur les nerfs, alors que je ne devrais pas en être impactée étant une yogi (gag!), c’est que ce sont ces mêmes professeurs qui parlent mal de cette méthode qui pourtant est à l’origine de leur « nouveau concept« .

Le fait aussi de rencontrer des élèves qui ne savent pas faire la différence entre les pratiques de Hatha Yoga, Ashtanga Vinyasa Yoga, Vinyasa Yoga, Flow Vinyasa, Power Yoga, Warrior Yoga etc. me laisse à penser que les enseignements se sont perdus et que souvent les professeurs mêmes ne savent plus trop ce qu’ils doivent enseigner.

Il est important de rester simple et de connaitre les bases.

Toutes les postures viennent du Hatha Yoga. Il n’existe pas de posture spéciale Hatha et spéciale Ashtanga Vinyasa et encore moins spéciale Yoga machin chose……

Il y a du Vinyasa partout, dans toutes les pratiques, même dans le Hatha Yoga, oui oui…. 😉

En tant que professeur votre rôle est de pouvoir comprendre quelles sont les différences de « styles » enseignés.

Aussi dernier point important, tous ces « styles » ne représentent pas le yoga. En revanche ils vous préparent à la pratique du Yoga.

Le Yoga n’étant pas l’aboutissement parfait d’un asana.

Namaste,