Vous connaissez l’histoire de la Vérité qui au détour d’un chemin rencontra le Mensonge ?

C’est une très jolie fable, d’actualité plus que jamais et dont voici la fin:

« La vérité, incapable de porter les habits du mensonge a commencé à marcher sans vêtements et tout le monde s’est éloigné en la voyant nue. Attristée, abandonnée, la Vérité se réfugia au fond d’un puits. C’est ainsi que depuis lors les gens préfèrent accepter le Mensonge déguisé en vérité que la Vérité nue ».

Le mensonge souvent se déguise sous des phrases qui commencent ainsi « il faut savoir que », « mon gourou m’a enseigné ceci, et c’est donc vrai », « je prends cette expérience d’une tradition longue et respectable » etc.

Et oui je veux bien évidemment parler du monde fabuleux que peut être le yoga.

Même si je continue de pratiquer religieusement les « bases » de l’Ashtanga Vinyasa Yoga, je ne vénère plus cette méthode que j’ai longtemps considérée comme étant la seule voie/voix me correspondante.

Je lui ai trouvé des excuses et j’ai même approuvé souvent ses mots, phrases, modes de pensée.

Puis j’ai évolué.

En fait mon langage commençait déjà à changer il y a quelques années et finalement ma pensée a terminé le travail d’investigation.

Aucune pratique tu ne feras pendant tes menstruations.

C’est ce que l’on appelle communément à Mysore les « Ladies Holidays ». Dans certains cours on vous réserve même le fond ou les côtés du shala pour vous laisser pratiquer du Yin, équipé de bolster, coussins, sangles, couvertures même si dehors il fait 28° à 6 heures du matin.

Au début je me suis dit cool, un jour de plus off, et en plus ici on nous chouchoutte.

Durant les différents stages la question a été soulevée « pourquoi ».

La réponse du professeur (nous étions en 2013) fut la suivante : les inversions arrêteront le flux (apana) et auront pour conséquence de perturber le cycle menstruel.

Tandis que les torsions (les twists) auront pour effet de compresser les ovaires (!) ce qui provoquera des flux abondants et très irréguliers.

En 2015 un autre stage avec un autre professeur : la contraction de Mula Bandha pendant les menstruations peut avoir un effet sur la fécondité de la femme…..

Dans le premier cas le professeur qui répondait à la question était un homme, mais accompagné de sa femme qui approuvait fortement les propos de son divin époux.

Dans le deuxième cas le professeur était un homme indien.

Mea Culpa

Du coup je l’avoue j’ai enseigné ces idioties. Un jour au 2ème jour de mes menstruations j’ai fait un équilibre sur les mains et le lendemain ma perte de flux avait disparu. J’y avais donc vu une cause à effet, j’étais donc persuadée de la véracité et en toute bien convaincue que j’étais j’ai retransmis tout de go ces idioties….

Car oui disons le franchement c’était vraiment très bête de ma part et surtout très idiot de transmettre ce genre d’information tout à fait erronée.

Tout d’abord le jour où mes règles se sont arrêtées subitement je n’ai pas pris en compte le voyage de 12 heures, la différence de température entre le pays d’origine et tout ce que peut provoquer un décalage horaire sur un corps humain. Cela je l’ai appris au-travers des voyages et j’ai surtout compris que pour garder une pratique stable et régulière il fallait avant tout être stable soi même et pas prendre l’avion tous les deux mois pour partir toujours plus loin.

Depuis je pratique tout le temps, sauf les jours où j’ai vraiment mal au ventre, et je fais à peu près tout, sauf bien entendu si j’ai une énorme fatigue qui s’accompagne, mais pour autant je n’ai plus peur de « voir interrompre mon flux » si j’ai fait une inversion, qui se trouve aussi bien dans Adho Mukha Svanasana que dans un bon Shirshasana…. car oui quand on parle d’inversion on ne parle pas simplement du moment où les pieds ne touchent plus le sol, mais dès lors où la tête se trouve plus bas que le bassin, ce qui concerne à peu près toutes les postures debout.

Du coup à la question « puis-je pratiquer pendant mes règles », la réponse est « ça dépend de vous et de personne d’autre ».

La pratique s’arrête ici

La phrase ultime qui définit le niveau d’un pratiquant qui suit la parampara de l’Ashtanga Vinyasa Yoga.

La phrase redoutée qui transforme le pratiquant en chasseur de postures, sans prendre le temps de comprendre les fondations, la phrase qui le fera devenir tantôt heureux de s’arrêter là, tantôt malheureux de ne pas avancer, qui le remettra en question « je suis donc si mauvais que ça », qui le fera se comparer aux autres « pourquoi il m’arrête et pas l’autre qui pratique plus mal que moi », la phrase qui nous fait se confronter à notre ego, pour notre bien au début, puis qui finit par nous aliéner par cette question : si je n’attrape pas mon poignet à Marichyasana D, ou si tout simplement je ne touche pas mes doigts, quel mal y a t’il pourtant à ne pas avoir le droit d’aller jusqu’à Navasana ?

Car oui effectivement, si l’on regarde la Première Série de l’Ashtanga Vinyasa Yoga, et si on la pratique avec un prof de la haute autorité ancestrale Ashtangique alors on remarque très vite que Marichyasana D est LA posture phare de cette pratique, et que juste après se trouve Navasana. Or d’un point de vue, je ne sais pas, anatomique ? performance? m’as-tu-vu? je suis les règles ? Je n’ai jamais compris pourquoi il était nécessaire voir indispensable de devoir la passer au risque de se péter le genou en demi lotus pour que le bras passe et donc accessoirement se péter le coude et l’épaule, pour simplement avoir le droit de continuer la pratique, quand on sait que la posture qui se trouve APRES la tant redoutée Marychasana D c’est : Navasana !

C’est une plaisanterie ?

 

Lumière sur Marichyasana D

Mais quel est le rapport entre les deux postures ?

Encore à ce jour je n’ai pas trouvé de réponse à la question et je laisse les commentaires ouverts à ceux ou celles qui en sauraient plus sur le sujet (avec preuve à l’appui qui prouverait que cette posture est un indispensable pour la bonne compréhension et intégration de Navasana).

Ensuite on se retrouve avec un autre obstacle de taille et c’est Supta Kurmasana, pour laquelle j’ai même écrit quelque part à lire dans les archives de ce blog, et dans lequel j’explique y avoir passé vaillamment 8 mois de mon existence et de pratiques pour enfin un jour arriver à passer les pieds derrière la tête et attraper comme il faut. Ce qui m’a valu le « droit » de compléter la première série, alléluià !

Par ailleurs, que dire du pratiquant très fin anatomiquement parlant, qui peut passer toutes les postures car son corps lui autorise, et pour autant qui ne pratique que depuis peu ? J’ai vu des élèves sans base aucune en Ashtanga Vinaysa Yoga et qui pourtant pouvait faire Supta Kurmasana dans un souffle. Donc il n’y a absolument aucune logique dans le déroulé dit traditionnel de cette pratique.

Et puis, la vérité a surgi ! Oui oui je vous assure.

En fait, du temps où le shala de Mysore était géré par Sri Pattabhi Jois, personne ne s’arrêtait, tout le monde continuait, et même que certains professeurs comme Derek Ireland, David Williams, Richard Freeman et probablement d’autres qui nous ont pavé la voie, avaient « leurs propres postures, leurs propres séries », c’est-à-dire que Derek Ireland après les Prasaritta A, B, C & D, avait Hanoumanasana par exemple.

D’autres avaient après les Janu A, B, C Parvritta Janu Shirshasana.

Et même la Première Série de base si je puis dire comportait 5 Salutations A, pour 5 Salutations B (maintenant c’est 5 et 3), et il y avait 4 Paschimottanasa (maintenant il y en a plus que 3).

La pratique a changé dès lors que Sharat (son petit fils) a repris les rennes du shala.

Et la raison est simple : trop de monde dans le shala ! Il fallait donc filtrer, instaurer des nouvelles règles pour que le plus grand nombre puisse venir pratiquer. Du coup c’est assez bien joué avouons. Une personne ne peut pas faire telle posture, parfait, sa pratique s’arrête là, et elle est bonne pour aller terminer sa closing series dans les vestiaires, car pas de place dans le shala, et dehors il y a une queue qui couvre la rue.

De plus, un autre exemple, en démarrant la pratique les bras le long du corps pour aller chercher la première salutation, on allonge les bras devant et plus sur les côtés. Pourquoi ? Pas de place ! En effet si on étire les bras sur les côtés on touche l’épaule du voisin, alors devant c’est plus pratique.

Et voilà, bim, la légende de l’Ashtanga tombe à l’eau. Tu arrêtes de pratiquer ici, car tu n’as pas le niveau. Alors qu’en fait non, tu arrêtes à la base car il y a d’autres gens qui veulent pratiquer.

Avec le recul je me dis que les pratiquants de Hatha Yoga doivent bien se foutre de nous quand même, car Bharavadjsana, Ardha Matsyendrasana, Parighasana ou même Dhanurasana se trouvent dans la deuxième série alors qu’en fait dans celle du Hatha Yoga on les pratique souvent et peu importe le niveau.

Bémol

J’aime toujours autant la pratique de l’Ashtanga Vinyasa Yoga, mais je ne respecte plus les règles. Je gardes les fondamentaux qui me sont essentiels et j’y ajoute beaucoup de flexion latérale et d’extension thoracique. De plus j’ai maintenant une blessure récurrente au bras gauche et Supta Kurmasana ne me convient plus, alors je l’ai abandonnée pour le moment.

Je suis à deux doigts de sortir ma « propre série » (c’est une boutade car je n’en n’ai pas l’intention !).

Les jours de pleine lune et nouvelle lune

J’ai déjà écrit sur le sujet dans la Parabole du Yoga. Mais pour résumer, il ne se passera rien si vous pratiquez 7 jours sur 7, tout comme rien ne vous transformera en loup-garou ou vampire sanguinaire si vous pratiquez pendant la pleine lune ou la lune noire.

C’est vous qui décidez quand vous souhaitez dérouler votre tapis, et aucune histoire, absolument aucune sortie d’un élève qui aurait rencontré son gourou au détour d’un village perdu en Inde, ne pourra contre dire le fait que non il ne se passera rien si vous pratiquez avec la lune ou sans elle.

Une pratique par jour tu feras

Outre le fait que lorsque l’on pratique à Mysore un document à signer nous est remis dans lequel il est dit que l’étudiant n’a pas le droit de pratiquer ailleurs qu’au « main shala », il en est donc sorti qu’une seule pratique, le matin de préférence, était souhaitable voir traditionnelle.

Bon.

Non.

Si vous avez une pratique le matin de 2 heures, j’avoue que l’après-midi ou le soir vous n’aurez peut être pas envie d’en faire une deuxième de 30 ou 40 mins. Soit.

Mais si vous limitez votre pratique du matin quotidienne (car une de deux heures tous les jours quand on doit bosser, qu’on a des enfants, une vie en somme, bien c’est assez rare dans le fond), donc si vous limitez une pratique matinale quotidienne à une heure, absolument rien ne vous empêche d’en faire une autre, différente, plus calme, dans la soirée.

Personnellement c’est ce que je fais. Et ma pratique du soir est devenue aussi indispensable que celle du matin. Il est évident que lorsque j’enseigne une formation sur un mois, je vous le dis franchement je ne pratique que des pranayamas le matin et c’est tout, mais lorsque je n’enseigne pas, bien je consacre tout mon temps à mes pratiques. Et avoir deux pratiques par jour c’est du bonbon, de l’or en barre, c’est sacré.

En Ashtanga on ne pratique les pranayamas seulement si le professeur nous l’enseigne…

Bon ici, on voit purement l’influence du Hatha Pradeepika qui ne commence qu’au chapitre 2 les pranayamas ou encore si l’on suit les 8 membres de l’Ashtanga Yoga de Patanjali, les Pranayamas arrivent en quatrième position.

Je me souviens à Mysore, une élève m’a surprise dans les vestiaires en train de pratiquer Bhastrika. Elle m’a demandé si Sharat me l’avait enseigné ? Ma réponse : non, Sharat ne m’autorise même pas à passer sur la deuxième série et j’ai ri.

Elle par contre n’a pas ri, et m’a demandé « mais qui m’avait enseigné ce pranayama? ».

Une autre fois j’avais fait une vidéo de cet exercice que j’avais posté sur les réseaux sociaux, et le prof avec qui je pratiquais en Thaïlande (c’était à Pattaya) m’avait posé la même question.

J’ai bien vu là qu’il y avait un « problème« …. j’y ai surtout vu un certain conditionnement.

En gros, je n’ai pas le droit de pratiquer de pranayama si je ne suis pas rendue à un certain niveau de pratique posturale, selon la tradition et la police de l’Ashtanga Vinyasa Yoga…

Ce qui est vrai si l’on suit (du verbe suivre) les écritures yogiques.

Car à chaque fois il m’a été dit que les pranayamas arrivaient en quatrième position selon Patanjali (Yama, Niyama, Asana, Pranayama).

Okay.

Mais alors, permettez moi de rire un moment s’il vous plait.

Quid des Yamas et Niyamas ?

A ce que je sache ces pratiquants qui sont venus me voir pour me poser la question quant à ma pratique interdite des pranayamas, avaient à leur bras un beau tapis Manduka pour l’une et Liforme pour l’autre, louait un scooter pour venir au shala pour l’une tandis que l’autre si je ne m’abuse ne m’offrait pas les cours gratuits tous les matins !

Donc à un moment donné, oui les Pranayamas sont en 4ème position, pour appuyer les dires ça peut le faire. Mais on en parle de l’application à la lettre des Yamas & Niyamas dans ce cas ?

Ou alors quoi ? On commence à les suivre seulement à partir du chapitre « Asana » ? Et après ce sont les mêmes qui vont dire que le Yoga ce n’est pas que la pratique des postures de yoga. Moi je veux bien, mais là c’est un peu tiré par les cheveux vous ne trouvez pas ?

Clairement.

Si vous avez envie de faire des pranayamas, faites le point. Si vous souhaitez essayer les rétentions d’air tout de suite, bon là je vous le dis tout de suite c’est pas fameux comme idée, apprenez déjà à allonger votre souffle, mais sinon fondamentalement rien ne se passera. Au pire si vous décidez de faire des longues rétentions poumons vides sans préparation en amont vous ferez probablement une crise de tachycardie et votre coeur s’emballera, du coup vous saurez que vous avez été trop loin, pour rien en fait ; mais sinon dans l’ensemble un bon Bhastrika ne peut que vous faire du bien !

La vérité pour conclure

Car là oui il faut conclure cet article car sur ma lancée je ne m’arrête plus.

La vérité dans le monde fabuleux du Yoga ? C’est qu’en fait elle n’existe qu’au-travers de nous, de notre ressenti, de nos actions.

On peut bien sur écouter ceux qui ont plus d’expérience que nous et continuer d’apprendre, mais on ne doit pas acquiescer bêtement et avaler avec dévotion tout ce qu’ils pourraient nous proposer.

Le discernement encore et toujours.

Vous voulez faire du Yoga ? Très bien, vivez votre propre expérience et transmettez en l’essence.

Allez un petit Namaste pour finir!