En quête / enquête de vérité.

S’attaquer aux étapes suivantes du Yoga sans la maîtrise de Yama et Niyama est illégitime. (…) Personne n’a le droit de dire que les forces cachées, les énergies latentes, les sons internes et la lumières des chakras l’intéressent mais que la véracité, l’honnêteté, la bonté, la patience, la sobriété sont des histoires de bonne soeur ou de curé qui ne lui disent rien du tout. A ce moment là parlons d’expériences fascinantes et de pouvoirs mystérieux mais ne parlons pas de yoga.

Arnaud Desjardins « Les Chemins de la Sagesse ».

Tout « professeur de Yoga » que nous pensons être, en fait n’existe pas.

A ma connaissance, je ne connais aucun professeur de yoga, je n’enseigne pas le yoga, et nous n’apprenons pas le yoga. Le mieux que nous faisons et que nous puissions faire, est d’enseigner des outils qui éventuellement nous amèneront à la pratique dite du Yoga.

Pour nous, occidentaux, le Yoga commence aux asanas, à la pratique des postures de yoga.

Ceux et celles qui connaissent un peu la philosophie du yoga, vous diront que les asanas n’arrivent qu’en troisième partie. Avant il y a « Yama » et « Niyama ». On ne les applique pas SUR le tapis de yoga ni PENDANT une pratique mais AVANT.

Dans nos vies occidentales, il est quasiment impossible de suivre ces règles. Il faut un maître, un guide. On ne peut pas les apprendre et les appliquer par nous-même. C’est impossible.

Que sont les Yamas ?

Ahimsa – Non violence

Satya – la Vérité

Asteya – Ne pas voler

Brahmacharya – Ascèse

Aparigraha – Détachement

Il sera inutile de couvrir les Niyamas, car tant que Yama n’aura pas été appliqué, on ne peut passer à Niyama. Tout se fait par étape, chose que la société actuelle n’aime pas. Notre société et la réalité dans laquelle nous évoluons, aiment que les choses arrivent vite, peu importe le chemin entrepris.

Selon Patanjali, Ahimsa est le fait de ne pas tuer. Que ce soit un animal, un insecte, un être humain ou tout ce qui est vivant, qui a un coeur qui bat. Ce qui est difficilement applicable. Nous ne sommes bien heureusement pas tous des tueurs en série, mais le simple fait de conduire sur l’autoroute, et de voir des insectes s’écraser sur le pare brise de votre voiture fait de vous un tueur en série. Exterminer des termites, des animaux dits nuisibles (comme des rats), ou encore le simple fait de marcher dans la rue (les fourmis) est une cause de Himsa soit la violence.

Donc pratiquer « Ahimsa » sur son tapis de yoga en se disant « je ne dois pas faire violence à mon corps » part certainement d’un bon sentiment, mais ne fait pas de vous un Yogi. Vous pratiquez simplement des postures de yoga, qui auront un bénéfice évident sur votre mental et votre physique, au même titre que soulever de la fonte, courir en forêt, faire de la natation, vous apporteront bien être et réconfort.

Etre honnête, c’est au moins accepter que la non violence est difficilement applicable. Vous pouvez l’appliquer selon vos moyens, mais je ne connais personne n’ayant jamais tué une araignée, un cafard, un moustique…..

Ensuite Patanjali nous dit que nous devons être honnête, envers nous même en premier, puis vers les autres. La vérité pure et dure. Cela ne veut pas dire que vous devez obligatoirement affirmer des choses telles que « oui je pense que tu as grossi, ta robe n’est pas jolie, ton conjoint (ou ta conjointe) te trompe, je n’ai pas aimé ce repas » ou autres affirmations qui en fait ne représentent qu’un point de vue personnel. Ce serait prendre Satya au premier degré.

Satya est plus subtil. Il vous incite à être franc et parfait sous toutes les coutures. Satya  vous autorise à voir la vérité sous son vrai jour, dans sa globalité. Votre esprit est pur et nul de toutes faussetés, mauvaises intentions, mauvaises pensées. Une intégrité totale, la sincérité. Les choses sont ce qu’elles sont. La pluie est humide c’est un fait, c’est une vérité pure, on ne peut pas le nier.

Pouvons-nous expliquer l’adjectif « humide » sans utiliser son contraire? Le sucre est sucrée, cependant pouvons-nous expliquer vraiment ce qu’est le goût sucré sans l’avoir goûté en amont ? Il ne s’agit pas d’affirmation subjective, mais de voir les choses pour ce qu’elles sont et d’agir en conséquence.

Dès le moment ou nous avons expérimenté dans leurs formes les plus pures la non-violence et l’intégrité, découlera « Asteya« . Ne pas voler et garder une éthique.

Il est évident que Patanjali ne nous dit pas « n’allez pas cambrioler votre voisin », ce n’est que le sens littéral. Asteya est le fait de ne pas voler que ce soit des mots, des idées, des concepts, des pensées.

Vous avez voyagé en Inde et remarqué que les malas et autres bijoux étaient moins chers. Vous en avez donc fait faire une quantité non négligeable pour pouvoir les revendre à vos élèves. Le prix d’un mala fait sur place vous aura coûté peut être 500 Rs soit 6 €, pour autant allez-vous le vendre à ce prix ? Asteya c’est aussi suivre une certaine éthique. Si j’achète quelque chose à 6€ le simple fait de le revendre trois ou quatre fois son prix, m’éloigne de ce concept.

La prochaine étape est le célibat, ou comment ne pas perdre son énergie vitale dans des actions qui fondamentalement n’apportent rien au yogi en devenir. C’est Brahmacharya.

Le non désir, l’abstinence totale tant sexuelle que mentale. Ne pas trop parler, ne pas se mêler aux gens, assister à des regroupements. Il faut que le yogi puisse garder son énergie vitale pour sa pratique à lui. L’absence de vie sexuelle pose souvent problème pour les occidentaux quand nos sociétés nous envoient constamment des images suggestives, que ce soit dans les films, dans la pub ou alors sur Internet.

En revanche le yogi peut se mettre en couple et allier son énergie sexuelle à une autre, dans un désir d’enfantement. En-dehors de ça, le plaisir charnel n’est pas nécessaire.

A l’heure où tout le monde revendique sa libération sexuelle, ou l’on apprend que la masturbation peut nous aider à connaitre nos désirs cachés et où de nos jours elle devient comme une nécessité pour apprendre à s’aimer soi-même, il est évident que Brahmacharya sera sans doute mal vécu dans notre monde Tinderisé en masse…..

Et pour finir Aparigraha. Soit le détachement total. Que ce soit tant la possession de choses inutiles mais aussi de personnes.

Avec la période de Noël qui approche, suivi du Nouvel An et invariablement du Black Friday, allez apprendre le détachement de toutes possessions inutiles aux gens me semblent une mission impossible. Alors, au lieu de parler de détachement, nous avons créé un nouveau mot « le minimalisme ». Pour nous donner bonne conscience.

Cet article n’a pas pour but de donner un cours de philosophie, loin de moi cette idée.

Dans une petite librairie à Mysore je suis tombée sur le livre d’Arnaud Desjardins « Les chemins de la sagesse ». Il explique à quel point nous ne savons rien et que le mot Yoga a été galvaudé à toutes les sauces. Je me retrouve complètement dans cette lecture.

Nous avons tout mélangé, et personne n’a commencé à la source.

Il faudrait changer le mot « professeur de yoga » pour « préparateur à la pratique du yoga ». Car nous ne faisons que préparer le corps. Le CORPS, pas le MENTAL. Même si les cours commencent par des mots doux pour apaiser le mental, et prendre conscience de notre respiration, son contrôle est au-dessus de tout entendement.

On n’enseigne pas la méditation, c’est faux d’utiliser cette phrase et de dire « je vais à un cours de méditation », c’est impossible, la médiation arrive d’elle même, mais seulement une fois que le mental est apaisé, maitrisé et dans le moment présent.

La seule chose que nous faisons vraiment est l’enseignement d’une activité physique au-travers d’exercices d’étirement et de renforcement musculaire. Les postures de yoga sont un OUTIL à la pratique du yoga, mais ne représentent en rien le Yoga.

La traduction littérale de Pranayama selon les dires de Patanjali est l’arrêt de la respiration. De ce fait nous ne pratiquons même pas les Pranayamas, mais nous préparons le corps à sa pratique.

Nous sommes des préparateurs, pas des professeurs de yoga, ni maitre, ni gourou.

Nous pouvons continuer notre enseignement, mais acceptons que le Yoga est bien plus que ça.

Tant qu’il y a individualité par le « je », soit l’ego mêlé à la dualité, reconnaissons que nous n’avons en rien expérimenté le Yoga.

Mais faisons au mieux pour transmettre nos connaissances, sans pour autant partir dans des déliriums d »activation de Bandhas, Chakras, Mudras, que nous ne maitrisons pas, et dont nous ne comprenons pas la réelle portée. Car celui qui possède la maitrise parfaite des Bandhas est celui qui saura canaliser son énergie vitale sans aide extérieure.

Il est évident que d’essayer d’appliquer Yama SUR notre tapis de yoga ne nous fera aucun mal bien au contraire.

En revanche admettons que le sujet est bien plus large que le chant d’un OM égrené sur un mala au demeurant joli fait de pierres curatives combattant toutes les maladies obsessionnelles de notre monde.

Restons simples.

Namaste,