Avant de faire fuir tout le monde en pensant « Le Yoga blesse ! », je tiens à préciser que ces différentes blessures dont je vais parler, sont antérieures à une pratique régulière. Pour la plupart elles se sont (re)manifestées pendant.

Et elles m’ont apprise beaucoup de choses, sur moi-même.

Les blessures physiques, ne sont pas autant « physiques » que mentales.

Pour ma part, elles ont commencé quand j’avais 14 ans, au moment où j’ai été opérée des ménisques du genou gauche.

Comme les médecins de l’époque ne savaient pas comment résoudre un problème de genou qui se bloquait quand il voulait, et faisait mal quand je marchais, après une arthrographie douloureuse, suivie d’une arthroscopie « peu invasive » durant laquelle les ménisques ont tout bonnement été retirés….. qui m’a laissée avec deux magnifiques cicatrices dont les fils restés trop longtemps, ont saignées comme pas possible le jour où on me les a retirés (17 fils pour une cicatrice, 4 pour l’autre), je m’en rappelle encore comme si c’était hier, mon coté gauche a commencé à se rebeller.

La rééducation qui s’en est suivie consistait à me mettre le genou dans une sangle, duquel un petit sac de sable (500 grammes environ) pendouillait lamentablement, avec pour mission de plier et déplier le genou….. je ne sais pas combien de temps j’ai du faire cet exercice mais c’est la seule « rééducation » que ce Kiné, et ami de la famille, m’a prodiguée. J’étais seule dans une pièce et je me démerdais toute seule, pendant que lui recevait d’autres patients à côté.

C’était en 1988 et quand l’année scolaire a recommencé, j’ai repris le chemin des cours de danse dans lesquels (avant cette opération) j’excellai.

Quand l’échauffement a débuté, je ne comprenais pas pourquoi j’étais si raide, pourquoi je n’arrivai plus à rien faire, pourquoi le grand écart facial et latérale ne m’étaient plus accessibles.

J’ai donc fait ce que toute gamine fait pour ne pas se retrouver à la ramasse dans un cours de danse, je me suis mise à pousser, insister, et surtout à adopter les fameux « à coups », qui consistent à se dire »tiens, si je force un petit peu ça va le faire »…..

Et là j’ai d’abord entendu le « cloc », au niveau du fémur gauche, puis la douleur musculaire derrière la jambe gauche. Je ne le savais pas encore, mais je venais de me faire mon vrai premier déchirement musculaire, probablement le semi-tendineux et certainement le sartorius.

Comme de bien entendu, j’ai gardé ça pour moi, je n’en n’ai parlé à personne et j’ai continué mon petit bonhomme de chemin.

J’ai du abandonner la danse car basiquement je ne pouvais plus rien faire. Je faisais de la gymnastique tranquillement chez moi, et quand j’ai commencé à entrer dans la vie tertiaire (17 ans), je me suis inscrite au Gymnase Club des Champs Elysées car je travaillais à côté.

Là j’ai découvert tous les sports de fitness, step, low-impact aérobic, les machines « stair-master », la presse, la musculation. Mon travail étant tellement ennuyeux (secrétaire d’avocats), que c’était le seul moyen pour moi de m’évader.

Quand je suis partie vivre à Montréal, j’ai commencé la natation, tous les jours de la semaine, pendant 7 années, plus des cours de Bikram Yoga. Et là deuxième blessure.

La tendinite du nageur……. et je vous donne en mille de quel côté…. le gauche bien sûr!

Cette blessure j’arrivai à la gérer, je sentais la douleur mais elle s’est manifestée cruellement lors d’un voyage en Méditerrannée où je me suis essayée au Kite Surf et où le Kite en question est parti à gauche, pendant que mon bras partait à droite, jolie dislocation, puis une autre fois en fermant une porte….. oui ça arrive…..

Je me suis fracturée les 4ème et 5ème orteils du pied……. gauche….. en donnant un cours de Pilates 😉

Je donnais un cours sur tapis, et les tapis de Pilates dans cette salle étaient très épais, on prenait en fait la table du Cadillac pour la mettre au sol. En allant ajuster un élève, je me suis prise le pied dans le tapis, mes orteils sont partis à gauche (comme de bien entendu) et les autres à droite.

J’ai terminé mon cours, je ne sais pas encore comment j’ai fait, puis mon pied est devenu noir. Après radiologie, fracture diagnostiquée sur basiquement les trois phalanges…. de chaque orteil.

En sautant dans une cascade en Thaïlande, mon pied….. gauche a heurté le fond (pas le droit, le genou plus intelligent c’était lui replié), la voûte plantaire a en pris pour son grade, hématome énorme sous tout le pied. J’étais en formation de Yoga Thaï Massage et pendant trois jours ce fut une souffrance.

Et pour finir je me suis fracturée le radius du poignet droit en tombant du Reformer, encore une fois pendant un cours que je donnais (le Pilates c’est dangereux en fait!). Quand on tombe sur le côté droit c’est forcément parce que le côté gauche n’a pas pu trouver son équilibre…….

La photo ci-dessus est l’exercice que je montrais, sauf que j’étais debout et face de l’autre côté.

Et pourtant malgré tout ça, je pratique l’Ashtanga Yoga !

La seule « vraie » blessure que je me suis faite pendant une pratique a eu lieu en début d’année 2018, pendant Kukkutasana. J’ai perdu l’équilibre et je me suis ouverte l’arcade sourcillière, mais côté droit…… là c’était une question de bon sens, je savais que j’allais tomber (mais pourquoi je ne suis pas sortie de la posture me direz-vous ?!), et donc j’avais deux choix qui se présentaient.

Kukkutasana BKS Iyengar

Kukkutasana BKS Iyengar

1. Je tombe en avant au risque de me péter les dents,

2. Je tourne la tête et je ne tombe « que » sur un côté.

J’ai pris l’option 2. J’ai tourné la tête à gauche. Résultat : découverte des urgences de Pattaya en Thaïlande (très bonne prise en charge) et deux petits points de suture, pour une jolie cicatrice maintenant.

La deuxième « blessure » pendant la pratique a été faite par un très mauvais ajustement, je dirai le pire de toutes mes pratiques, et là je balance, je nomme Sharmila, la soeur de Sharat.

Personnellement je pense que cette femme est un danger pour les pratiquants. Dans un Paschimottanasana, elle a réussi à me bloquer les cervicales. Mais comment me direz-vous ?

Tout simplement, en pressant de tout son poids (si vous la connaissez vous savez de quoi je parle), pour que la pronation que j’ai au niveau du haut du dos, disparaisse en un rien de temps.

Je lui en ai tellement voulu, que lorsque je suis revenue pratiquer, trois semaines après, que je l’ai vue entrer dans le shala, ET se diriger vers moi pour « m’assister » dans Utthitha Hasta Padanghustasana (je mets assister entre guillemets, car ça consiste à je supporte ta jambe, mais je ne suis pas alignée avec toi, donc va falloir que tu danses avec moi)……, je l’ai regardée doit dans les yeux, ai levé mon index en lui instruisant un ferme « no way ».

Elle n’est plus jamais venue me voir, et grand bien m’en fasse !

Comment la pratique régulière à soigner mes blessures

Je préfère parler de pratique régulière en n’importe quoi. Je pense que dès lors on habitue son corps à bouger de manière régulière que ce soit en Pilates, Feldenkrais, Gyrotonic, barre au sol, Hatha, Vinyasa, Flow, Ashtanga etc….. les bienfaits se font ressentir sur le long terme.

Ce qui « tue » le corps (et au passage l’esprit), c’est le fait de ne pas bouger et de ne rien faire, sous prétexte justement que l’on a mal quelque part.

Il m’aurait été très facile de me dire « ton côté gauche est faible à cause de cette maudite opération, ne va pas tout gâcher en faisant du sport ».

Bien au contraire.

Il a fallu que je me penche sur le problème, que je le contourne pour ensuite l’affronter afin d’en faire mon meilleur ami.

En pratiquant avec Ramesh Shetty, j’ai appris à entrer dans la posture avec mes limitations.

En effet avant lui, on me faisait faire des variations, qui certes flattaient mon ego, mais ne résolvaient pas le problème à la source.

J’avais donc développé un coté droit extrêment souple pour un côté gauche complètement fermé, mais c’était normal, mes blessures…….

Son premier ajustement a été de me faire faire Parshvakonasana B, avec le pied gauche 90°, alors qu’on m’avait toujours autorisée cette posture, le talon décollé, les hanches donc face au sol, tandis que je la faisais talon au sol de l’autre côté. Le déséquilibre étant déjà présent, je ne faisais que le renforcer.

Uttitha Parshvakonasana B - BKS Iyengar

Uttitha Parshvakonasana B – BKS Iyengar

Noter qu’il ne me demandait pas d’avoir le talon arrière impérativement au sol, il souhaitait simplement que ma jambe s’ouvre plus sur le côté.

Deuxième note : Je ne parle que de mon expérience PERSONNELLE. Je ne recommande pas, si vous n’avez pas la souplesse, des douleurs ou autre, de faire ce que MOI JE FAIS.

Janu Shirshasana C

Après une fracture d’orteils, Janu Shirshasana C peut vite devenir aliénant……. Je le faisais très bien côté droit, en revanche pour le côté gauche c’était une autre histoire.

J’ai donc eu besoin de repenser le mouvement. Pour éviter que ce soit mes orteils essentiellement qui prennent et au passage ma cheville, j’ai commencé par compenser en ne posant que la tranche du pied, puis un jour j’ai pressé ma voûte plantaire contre la cuisse. Et là le miracle.

Au lieu de mettre tout le poids sur mes orteils, j’ai compris que l’ouverture des hanches et du genou ne pouvait se faire sans l’action de la voûte plantaire, plus je pressai, plus mon genou descendait sur le sol et plus mes hanches s’alignaient.

Par la même j’ai pu corriger le côté droit, pour qui c’était facile, et depuis cette posture est confortable et accessible.

Si j’avais continué à utiliser l’usage de la brique pour être plus haute afin que mon genou descende et me permette de compenser ce que je ne pouvais pas faire dû à un manque de flexibilité de la cheville que je n’autorisai pas car mes orteils ne pouvaient plus se plier correctement, jamais je n’aurai pu accomplir cette posture.

Le corps est intelligent.

La première chose qu’il va vous proposer est une compensation afin d’éviter d’avoir à affronter un « obstacle » qui le dérange, car susceptible de devoir faire travailler d’autres muscles endormis, qui ma foi ne souhaitent pas plus que ça se manifester.

De la même manière, quand sur notre chemin de vie un problème se présente, il est bien plus facile de l’ignorer et de le contourner, en le gardant éventuellement pour plus tard, que de se retrousser les manches pour l’affronter. Car ça peut réveiller des anciennes mémoires, des vieux souvenirs, qu’on n’a pas forcément envie de brasser.

Merci à toutes mes blessures !

Tout d’abord car je ne peux pas les ignorer, elles sont omni présentes dans mes pratiques et mon quotidien.

Elles me rappellent quand je pousse trop, quand je dois ralentir et à quel moment je dois choisir une autre manière d’aborder le mouvement.

C’est définitivement grâce à elles que j’ai toujours fait du sport, parfois très mal et plus j’avance de mieux en mieux.

C’est aussi elles qui m’ont révélées d’anciennes souffrances mentales, jusque là occultées, à présent dominées.

De par mes compensations je me suis créée une petite scoliose lombaire, découverte il y a trois ans. Je n’ai pas pour ambition de la « soigner », je sais qu’elle est là, je la sens dans les équilibres. Elle m’oblige à tendre les jambes, chose difficile pour moi pendant un équilibre sur une jambe, mais je sens que je prends le dessus.

Sans elles, je n’aurai probablement jamais eu conscience de mon corps et certainement aucun désir d’en apprendre un peu plus sur l’anatomie.

De très belles pratiques en perspective !

Namaste,