Me voici à ma deuxième retraite chamanique. Trois jours durant lesquels il y aura 3 soirées d’Ayahuasca, 1 journée de Kambo et 1 journée Bufo Alvarius.
Cette fois ci je sais, à peu près, à quoi m’attendre, je suis donc très calme, super positive et surtout je me sens prête.
Nous sommes 7. Je retrouve un des participants du mois dernier qui a amené un ami à lui. Son ami a voyagé exprès de Singapour jusqu’en Suisse pour participer à cette retraite ! Il vient littéralement d’arriver. Son expérience va être très impressionnante pour nous, et je pense pour lui aussi.
Le reste du groupe se constitue de deux soeurs et un jeune homme. On se présente, on discute, on se raconte un peu nos vies, ce qui nous amène ici, pourquoi est-ce que l’on revient, ce qui s’est passé la dernière fois. Premier contact sympas, je les sens un peu stressé, je ressens surtout et comprends leurs attentes. Des attentes extrêmement élevées, et une comparaison entre ce qu’elles « connaissent » en amont, soit la prise de champignons hallucinogènes de manière presque régulière. Je leur explique qu’il ne faut pas trop nourrir de demandes mais je ne suis pas non plus en mode prophète, donc je les laisse parler la plupart du temps.
L’une des deux soeurs fait des « canalisations », mais pas les canalisations de « base », plus sur un côté astral…… bon….. personnellement les gens qui « canalisent » à mon sens ne canalisent pas grand chose. Il y a cette femme sur Facebook « Abundância Consulting » qui a émergé pendant le confinement (cela prouve bien que lorsque les gens se sentent démunis ils sont prêts à tout croire), qui est (serait) une reine de la canalisation. J’ai écouté ses vidéos et j’ai parfaitement décroché quand elle a annoncé que le prochain clone de Macron avait échoué….. car oui le président de la République Française serait cloné… allons bon…. le pire c’est que ce compte sur YouTube (du même nom) est très suivi, et que les adeptes et fervents admirateurs de cette femme qui s’appelle Katia, avalent goulument absolument toutes ses bêtises. A date on aurait du avoir ce qu’elle a qualifié d’octobre noir, avec plein de morts dû à la prise du vaccin, et une révolution nationale, des bâtiments administratifs à Paris devraient être en feu car ils (sous entendu les illuminatis) ne veulent pas que nous (sous entendu le peuple) découvrions la vérité. Pratiquement aucune de ses canalisations n’a concrètement été prouvées, aucun de ses scénarios catastrophes n’a vu le jour, mais pour autant elle continue d’avoir du succès….
Donc quand « S » me dit qu’elle canalise au niveau astral, qu’elle peut contacter les ancêtres des gens pour les aider à se réaliser dans leur vie présente, je l’écoute, je bois mon thé mais j’en oublie la moitié. Je la sens fausse et pas particulièrement bienveillante. Et cette femme sera la raison de mon départ matinal le dernier jour.
Sur un autre plan, plus personnel celui-ci, mes règles viennent juste d’arriver. J’ai lu sur internet que lorsqu’une femme est menstruée elle ne devrait pas prendre d’ayahuasca, j’en parle à l’organisateur qui me dit que ça ira quand même. De toute façon je n’aurai pas aimé une autre réponse. J’imagine lorsque l’on participe aux cérémonies dans un cadre vraiment traditionnel les règles à suivre sont différentes, mais dans ce moment même si la tradition est en fond sonore, on est quand même dans un cadre de retraite chamanique pour touristes. J’en suis consciente, je participe à ça, et en mon âme et conscience je l’assume pleinement.
Soirée 1 – Deuxième Retraite – Ayahuasca
On se retrouve à 22 heures dans la salle. Chacun notre matelas, notre bassine, le rouleau de sopalin, le feu de cheminée qui démarre. Les organisateurs font le petit rituel de purification, puis après 10 minutes chacun notre tour on se lève pour boire le verre d’ayahuasca.
Je m’assois, j’attends. Puis je m’allonge, je ferme les yeux. Les premières peut être 45 minutes sont paisibles et là…. soudain….. elle arrive. La plante prend littéralement possession de mon utérus entier. Elle est dans mon ventre, dans mes entrailles, la chaleur est impressionnante, je la sens monter en moi, je la sens se faufiler le long de ma colonne, cette énergie est juste indescriptible et me prend par surprise. Elle arrive ensuite dans ma tête, et en moi-même j’ai une pensée « tu pensais que le Bufo était plus fort que l’Ayahuasca, ici elle te prouve le contraire », je n’arrive pas à savoir comment je peux encore avoir une pensée à ce stade mais c’est la première chose qui me vient à l’esprit. La description que je donne pourrait ressembler à l’éveil de ladite Kundalini, je ne m’avancerai pas sur ce point, mais la sensation d’être possédée de l’intérieur, au plus profond de mon intimité est inquiétante, euphorisante, tétanisante. Une partie de moi refuse de laisser faire car j’ai peur de voir ce que je refuse d’affronter, même si j’ai toujours cru que je voulais vraiment affronter tous mes démons, en fait dans ce moment présent, je n’en n’ai pas envie tant je sais que je suis capable d’aller dans les limbes profondes, je sens que c’est le moment où jamais, mais je refuse catégoriquement d’y aller car oui j’ai peur.
S’ensuit une discussion schizophrénique avec la plante elle même ou la chose qui a pris possession de mon utérus. Elle m’indique clairement deux chemins, celui qui est noir et celui qui est mauve. Je fais le choix le plus sûre à mon sens, je pars sur le côté mauve. Mon corps entier n’est que douleur, je suis mal, très mal, quand j’ouvre les yeux je vois un monde pixelisé, tout est quadrillé avec des petits points partout, mes mains, mon corps, le bois du chalet, le feu est en pixel. Je dois probablement faire des sons, peut être que j’émets une complainte, j’ai l’impression pourtant d’être silencieuse et de vivre ce cauchemar le plus discrètement possible, quand je vois le chaman venir vers moi, essayant de me parler. Je ne comprends pas ce qu’il veut, il me demande de me mettre sur le dos car je bloque les énergies, j’essaie de bouger, je n’y arrive pas, j’ai soif, je ne peux pas boire, je n’arrive pas à contrôler les tremblements de mon corps, je n’arrive pas à tenir la bouteille qui est trop lourde, je n’arrive pas à bouger mon corps qui pèse des tonnes, le chaman me parle doucement, il prononce mon nom ça me rassure, ça me ramène un peu mais pas tant. J’essaie de parler en lui disant que je passe un mauvais quart d’heure, mais je n’arrive pas à parler, mes lèvres refusent de bouger, tout est engourdi, et intérieurement je continue de tomber.
J’imagine alors qu’extérieurement mon corps entier et mon être doivent ressembler à une chose en convulsion, car sinon le chaman ne serait jamais venu vers moi pour me rassurer. Il reste un moment au-dessus de moi, il fait des incantations, il chante, son harmonica me réharmonise complètement. Je me connecte à sa musique, à ses chants, et je commence à y voir plus clair mais c’est très difficile pour moi de rester stable.
Il m’aide à me mettre sur le dos. Et là….. mon corps s’enfonce encore plus mais je sens les énergies qui passent. Et tandis que ma tête disparait je ne sais où, l’ensemble de mon squelette se met à vibrer, mes entrailles vibrent, tous mes membres laissent échapper une vibration que je suis la seule à entendre et à ressentir. Vous savez c’est comme lorsque l’on jette une pierre dans l’eau et que des cercles autour s’agrandissent jusqu’à la rive. Je suis les cercles.
Puis ma vessie me joue des tours, je dois absolument aller aux toilettes, sauf que je ne peux pas me lever. Je vois le chaman et sa femme me regarder avec de grands yeux quand je réussis après peut être 10 mins à me mettre debout, je chancèle, ils me demandent ce que je veux, je prononce, pipi….. Ils envoient Eva (leur assistante que j’adore) m’aider. Elle me prend la main. Dans la vraie vie les toilettes se trouvent au fond à gauche puis à droite. Dans la vraie vie ça prend 30 secondes pour y aller. A ce moment précis j’apprends à marcher, je lutte contre la plante, contre la vessie qui risque de déborder à tout moment, contre mes pieds qui ne savent plus se mettre l’un devant l’autre et contre mon sens de gravité qui est plus qu’altéré. Je me cramponne littéralement à Eva. Après un temps qui me semble une éternité on arrive aux toilettes, elle me demande si ça ira. Je me dis que je dois bien avoir des automatismes encore en place comme baisser mon pantalon, ma culotte et m’asseoir, je vérifie oui c’est bon. Elle ferme la porte et m’attend. Je vide ma vessie pendant 10 minutes (j’exagère, mais ça m’a semblé très long), je me sens mieux. Je me regarde dans le miroir, je ressemble à un spectre, ma pupille a pris possession de la totalité de mon oeil…. je tourne le dos au miroir. J’ouvre la porte, je m’accroche comme une malheureuse aux bras d’Eva pour me ramener sur mon matelas.
Je m’allonge. Le chaman me demande si ça va, je réponds oui, mais en vrai je suis tout le temps dans l’autre monde, sauf que j’ai la vessie vide, donc j’ai la sensation temporaire de gérer la situation. Pour la première fois j’arrive à prêter attention à ce qui m’entoure. Il y a l’ami de J. qui vomit tripes et boyaux dans un bruit fracassant, je le regarde, et je me dis qu’il se purge pour nous. Je ne sais pas comment l’expliquer mais tout le groupe aura la même réflexion. Il se trouve à la fin de notre ligne de matelas, et il sera le seul à vraiment vomir. Cela donne l’impression que tout ce que nous expérimentons finit chez lui, et qu’il expie nos maux…. très bizarre oui, j’ai hésité à écrire cette phrase tant je pense qu’elle ne peut être comprise, mais sur le moment cette idée nous a tous effleurée.
A ma droite il y a la femme qui fait des canalisations, et son côté est sombre, j’ai l’impression que tout ce qui se passe autour d’elle la dérange, j’ai la sensation de la gêner…. d’ailleurs à la fin de la cérémonie je m’excuserai…. pourquoi je ne sais pas.
Quant à moi je suis sur le dos, j’ai toujours autant de mal à bouger. Mon voyage n’est pas terminé et j’ai la sensation que le plus dur est passé….. je ferme les yeux car je ne peux pas les garder ouvert. Et là je me vois. Je me vois enfant, dans une petite robe. Je me fais face. Une voix en fond sonore me pose une question « qu’est-ce que tu as fait à cet enfant? »…….
Okay…
L’enfant pleure. Mon moi enfant pleure.
Mon moi adulte, ne pleure pas. Je suis témoin. Je réussis à avoir la présence d’esprit en réalisant que la petite fille qui est devant moi est vraiment moi. Je reste complètement surprise. Je suis adulte et en face de moi se trouve la petite fille que j’étais.
Une sensation énorme, une chaleur remplit complètement ma cage thoracique, ma poitrine, mes clavicules. Dans l’article précédent je raconte que quelque chose était bloqué dans mes côtes, et à ce moment précis, le blocage disparait. Il disparait dans un incendie. Mon corps continue de vibrer de plus belle.
Je comprends que je viens de tomber dans le noyau central de mon esprit, je suis au coeur de la matrice. La petite fille que je suis disparait derrière un mur.
En fait je ne saurai expliquer comment elle est apparue : il y a un mur gris mais positionné en diagonale, je suis à droite de ce mur (quand on regarde de face), et elle apparaît à gauche du mur. Elle se met en face de moi, le visage en pleurs. La voix apparaît me demandant « qu’est-ce que tu as fait à cette petite fille? ». Je crois qu’elle tient la main de quelqu’un mais je ne peux pas voir cette personne car elle n’a pas de forme. Je regarde la petite fille et elle disparait du côté droit du mur cette fois ci. Je crois qu’elle suce son pouce mais je n’en suis plus certaine.
Et alors que j’aurai envie d’aller plus loin sur ce chemin, l’ayahuasca me quitte. Le monde dans lequel j’étais se ferme et me ramène au présent. Pour autant je garde des séquelles de ce voyage, je vois toujours tout en pixel, mon sens de l’équilibre est très compromis et mon corps est mou.
C’est la fin de la cérémonie, il est 4 heures du matin. Je me rends compte que je suis partie loin, longtemps. Ce sera la seule et unique fois que l’ayahuasca aura cet effet sur moi.