Retour d’expérience – 2017
Cela m’a pris deux ans pour compléter la Première Série de l’Ashtanga Yoga.
Comme beaucoup de nouveaux pratiquants mon premier vrai obstacle a été Marichyasana D. En Janvier 2016 j’ai commencé à pratiquer sérieusement l’Ashtanga Yoga au Shala de BNS Iyengar sous la supervision de Ramesh Shetty. Je ne pouvais pas encore faire Parshvakonasana sans la variation, c’est-à-dire que je ne pouvais pas garder mon pied arrrière au sol alors je faisais une variation en amenant mon pied arrière sur la pointe des pieds en soulevant le talon, du coup j’avais ma hanche qui était alignée avec le sol. Sans le savoir je ne travaillais pas correctement l’ouverture de hanche qui était nécessaire pour cet asana, la position de la jambe arrière étant primordiale.
Ramesh Shetty a été le premier professeur à vouloir me corriger cette posture. Pour moi cela n’avait aucun sens, j’ai été opérée du genou quand j’étais adolescente et on m’a retiré le ménisque du genou gauche, quant au genou droit ma rotule n’est pas stable et légèrement descendue…. Du coup je ne comprenais pas pourquoi il ne me laissait pas faire la variation car physiquement et physiologiquement parlant la posture finale était inacessible pour moi.
Finalement j’ai fini par céder, un matin il a vraiment insisté pour que je fasse la posture correctement et m’a ajustée…. j’étais contre et je ne comprenais pas qu’il ne puisse pas comprendre… mais j’ai décidé de m’y plier et j’ai laissé faire. Bien évidement ma torsion était pitoyable et je ne pouvais plus descendre la main au sol mais j’ai continué….. et en mois d’un mois j’ai pu faire cette posture…. sans aucune douleur.
Ce fut mon premier « indice »… et si l’Ashtanga pouvait soigner mon corps après tout?
En Avril 2016 je partais à Purple Yoga Valley à Goa pour pratiquer avec John Scott. Je m’engageais pour 4 semaines intensives de pratique. Je ne pratiquais toujours pas Marichyasana D à cause des mes genoux mais je maitrisais parfaitement la variation. J’étais très satisfaite de moi et épanouie dans ma pratique. John Scott ne m’a pas obligée à faire la posture sans variation, et je pouvais pratiquer normalement toute la série. On pratiquait la série avec les Vinyasas complets et j’adorais ça, j’avais l’impression d’être Super Woman et je ne comprenais pas tout le buzz qu’on faisait autour de l’Ashtanga car la pratique n’était pas si difficile que ça au finale.
De ce fait, portée par mes « exploits » je me suis décidée à m’inscrire au Shala de KPJAYI pour pratiquer avec Sarawasthi pendant deux mois.
David Laroche était sur place et lorsqu’il m’a vu faire la variation de Marichyasana D il m’a demandé pourquoi. Je lui ai expliqué mon opération et nous avons convenu que c’était mieux pour moi de faire la variation.
Sarawasthi n’a rien dit et m’a laissé pratiquer la série complètement m’autorisant au passage de faire les extensions, avant Urdhva Dhanursana : debout on descend en Dhanurasana puis on remonte. J’étais contente de pouvoir explorer cette partie de la pratique même si au fond de moi je savais que je n’étais pas prête pour ça….
C’est donc tout naturellement que j’ai décidé de renouveler mon expérience, cette fois ci au « main » Shala pour pratiquer avec Sharat Jois. J’ai été acceptée pour deux mois de Novembre à fin Décembre.
Et c’est à ce moment là que toute ma pratique et mon intention envers ont changé.
Le premier cours était une classe guidée et Sharat m’a directement arrêtée à Marichyasana D. Nous étions quelques un dans le même cas. Quand cela arrive on se retrouve assis sur son tapis de yoga à regarder les autres pratiquants faire leur série pendant que notre corps se refroidit.
Pas le meilleur moment pour une introspection positive. Après 20 ou 25 minutes avant de faire les extensions Sharat invite tout le monde à se préparer pour Urdhva Dhanursana. Et là je me dis vraiment? Maintenant que mon corps est froid je dois faire un backbend sans préparation au préalable? Ca me semblait (et encore maintenant) absolument idiot…..
N’ayant pas super le choix j’ai suivi la foule et j’ai fait le pire Urdhva Dhanursana de toute mon existence, j’ai détesté.
Le lendemain les cours Mysore commençaient. J’ai été ajustée pour Marichyasana D par une assistante blonde très gentille. Son ajustement était super, fluide et j’étais surprise de voir que je pouvais effectivement tourner et attraper mes mains sans aucune douleur du tout au genou…. Elle m’a suivie pendant toute la première semaine. Ma pratique s’arrêtait toujours là mais je sentais bien que je progressais.
La deuxième semaine Sharat est venu m’ajuster, son ajustement était parfait. J’avais besoin d’aide pour le côté droit mais je pouvais presque attraper facilement du côté gauche. A la fin de la troisième semaine je passais Marichyasana D !
Je n’en revenais pas moi-même, j’avais envie de rire tellement j’étais étonnée. Sharat était sur sa chaise, il m’a regardé et a dit « Il faut tout le temps apprendre à la Source. Navasana ». J’avais été « promue » à la posture suivante et je pouvais dès lors avancer dans ma pratique de la première série.
Puis : Supta Kurmasana des nouveaux problèmes sont arrivés, ma pratique s’arrêtait dorénavant là.
Et elle s’est arrêtée là pendant au mois 6 mois. Je n’arrivais pas à attraper, parfois je recevais des ajustements qui me faisait tenir mes mains au moins 2 secondes mais c’était à peu près tout. Sharat est venu m’ajuster deux fois mais rien n’y faisait ça ne passait pas. Un jour où j’avais terminé ma pratique, je traversai le shala et lui disait au revoir Sharat me demande « Est-ce que tu attrapes en Supta Kurmasana? Moi: Non. Sharat: Tu ne devrais pas marcher après la pratique, repose toi, la marche donne des grosses cuisses et tes cuisses sont trop grosses pour passer Supta Kurmasana »….. j’étais sciée…. il a dit ça devant tout le monde et en plus pendant qu’il faisait faire un drop back à un étudiant. Je me suis dit « je rêve ou il vient de me dire que je suis trop grosse pour cet asana?? »…. Je n’étais pas super heureuse….
Au début de l’année 2017 je décidai de me prendre 7 mois juste pour ma pratique. Mon premier arrêt a été Ubud. J’avais rencontré Iain Grysak en Novembre avant l’une des conférences de Sharat et comme je lisais son blog depuis presque 3 ans je me suis dis que c’était un signe, je devais pratiquer avec Iain Grysak. Comme le dit si joliment Joy, une de ses étudiants « Iain est un homme de peu de mots »… et c’est vrai!
Pendant tout le mois de ma pratique il m’a arrêté à Supta Kurmasana, j’étais complètment déçue, je pensais ça y est, c’est terminé, quoique je fasse je ne pourrai pas aller plus loin, j’ai atteinds les limites de mon corps physique. Le premier jour de pratique il a regardé ma pratique sans m’ajuster, le deuxième jour il est venu m’ajuster, j’ai pu attraper mes doigts pour un gros 2 secondes….
Pendant la deuxième semaine il ne m’a ajustée du tout, je voyais ses pieds sur le bout de mon tapis mais il ne m’aidait pas. Il m’a dit un jour « Tu es en train d’abandonner »….. j’étais super en colère…… et du coup j’ai fait ce que tout le monde fait quand la frustration pointe son nez, je me suis mise à me comparer avec les autres pratiquants et j’ai remarqué que certains d’entre eux faisait toute la série alors qu’il n’était pas capable de faire Marichyasana D correctement et qu’il n’attrapait pas du tout dans Supta Kurmasana et qu’ils étaient à mon sens beaucoup trop raide pour cette pratique !!!
Je me suis mise à juger Iain Grysak, j’avais envie de lui dire « mais pourquoi MOI tu m’arrêtes alors que les autres sont plus nuls que moi??? »…. en gros j’avais envie de lui dire que ses étudiants n’étaient pas de bons pratiquants et que lui ne le remarquait même pas !!! Bien évidemment je gardais ces pensées pour moi mais je bouillais intérieurement.
Quand je suis retournée à mon hébergement j’ai pleuré longtemps car je réalisais que je n’avais pas du tout des pensées pures et surtout j’étais bigrement loin des Ahimsa et Santosha…. je ne savais même pas que je pouvais avoir ce genre de pensée dans un tel contexte !
Dans la journée j’ai développé de la fièvre et j’ai eu très mal aux oreilles, en allant chez le docteur il s’est avéré que j’avais une infection aux oreilles……. l’un des étudiants qui étaient avec moi à la guest house à Ubud m’a alors dit « c’est bizarre que tu aies attrapé une infection aux oreilles quand Supta Kurmasana est une posture qui appelle au retrait des sens »….. j’étais sidérée….. est-ce que tout était connecté?
Je ne sais pas si tout cela avait un lien mais cette pratique avec Iain Grysak a complètement changé mon approche du yoga dans sa globalité. Je n’étais pas la personne que je croyais être, en fait je ne savais pas vraiment qui j’étais. J’ai quitté Ubud pour la Suède et la Thaïlande et c’est en Suède que le miracle a pris place. Je pouvais enfin faire Supta Kurmasana toute seule, sans aide. Quand c’est arrivé j’ai envoyé un email à Iain Grysak et je suis retournée pratiquer avec lui deux fois jusqu’en juillet 2017.
La pratique quotidienne de l’Ashtanga Yoga m’a appris que mes obstacles n’étaient pas réels mais personnels.
C’est l’une des raisons pour laquelle je continue.
C’est la raison essentielle qui me porte à dérouler mon tapis tous les matins.