On parle souvent des abus, et avec raison, de certains professeurs ou centres de yoga, d’expériences mal vécues durant une formation de yoga ou un cours de yoga, mais rarement, pointons-nous l’attitude des élèves. Ce qui est compréhensible, car si vous commencez à porter un jugement sur une personne qui a payé pour venir à votre cours ou formation, vous vous tirez une balle de pied. Ce n’est pas une attitude très commerciale.
En revanche, l’être humain étant ce qu’il est, complexe dans toute sa splendeur, ces abus existent bien. Ils peuvent affecter un groupe, surtout si vous enseigner un programme de quatre semaines, et par conséquent affecter les professeurs qui enseignent et qui doivent subir ce genre de comportement.
Au cours de mes 17 années d’enseignement dont 10 de formation, j’ai été confrontée à quelques situations conflictuelles. J’y ai répondu en fonction de ce que je vivais à ce moment, et il m’est arrivée de renvoyer des élèves durant une formation, pour arrêter de gangrener le reste du groupe. Parfois cela était compris, d’autre fois le fait de se séparer de l’élément perturbateur, me mettait en plus grande difficulté. Car étant professeur de yoga, je devais faire preuve de plus de « professionnalisme » et de « recul », au nom du sacro-saint contrôle que j’aurai développé au cours de mes pratiques.
Je brades, tu brades, nous bradons
Nous sommes en 2018. Je suis contactée par une élève qui souhaite s’inscrire à la formation de Paris. Le coût de la formation à cette époque, est bien en-dessous du marché. Pour certains je continue d’appliquer le tarif « early bird », pour les inscriptions tardives, le prix ne change pas.
J’ai déjà eu pas mal d’échanges avec elle. Elle me raconte sa vie, son expérience, je suis patiente je l’écoute. Quand arrive le moment où elle décide de suivre la formation, elle m’explique puisqu’elle habite en-dehors de Paris, et qu’elle n’aime pas prendre le métro ni les transports en commun, elle se déplacera en voiture. Elle me demande donc si je peux lui arranger une place de parking auprès de MicaDanses, le studio que je loue. Je lui explique que je n’ai pas ce pouvoir, mais en revanche, la formation étant au mois d’août, les stationnements sont gratuits à Paris.
Elle me pose la question de savoir si elle peut se garer à proximité, car elle préfèrerait un parking « couvert ». Je ne peux pas répondre à cette question. Puis plus de nouvelle pendant un mois.
Je rentre en France en juillet 2018 pour me préparer. Elle me recontacte. A ce moment je suis en Haute Savoie. Nouvel échange, dans lequel elle m’encense littéralement : elle aime mon travail, mes articles, elle adorerait suivre cette formation, elle me trouve géniale et cette formation lui tient à coeur. Puis au cours de cet échange, elle m’explique que l’on va s’arranger sur le prix. Je reste interloquée. Elle m’explique, toute contente, qu’elle a pu trouver un stationnement couvert, mais qui est cher, et donc elle décide de déduire le coût de son parking sur le prix total de la formation….
Je lui dis que cela ne va pas être possible. Elle me redemande alors à quel prix je peux lui faire la formation ? Je lui dis à celui qui est affiché sur le site web. Elle m’insulte au téléphone en me disant que je ne suis pas très « yogi ». Qu’elle s’est débrouillée pour trouver un parking afin de me faire l’honneur de sa présence à cette formation, et qu’elle est très déçue de mon comportement.
Je lui dis, en perdant un peu ma patience tout de même, que je ne vends pas des tapis, et que je ne brade pas mes formations au bon plaisir des élèves.
Elle me raccroche au nez. Continue de m’envoyer des SMS déplaisants, et menace comme de bien entendu de me descendre sur les réseaux sociaux, de mettre un avis négatif sur ma page FB (ce qu’elle a fait) et de me vilipender sur Google (ce qu’elle a fait).
Influenceuse VLog
Nous sommes en 2015, en Inde. On vient de lancer nos premières formations dans la banlieue de Mysore à Srirangnapatna, où la construction du building n’est pas encore terminée.
Je suis contactée par une élève qui comme de bien entendu, adore mes articles, etc.
Elle au moins, a l’avantage d’aller droit au but. Une formation gratuite pour avoir l’immense honneur de figurer sur son blog de voyages, ce qui invariablement nous fera de la publicité gratuite. Le tout avec des interviews de chacun de nous pour nous mettre « en lumière », et bien sûre si possible une chambre simple car elle a du mal à partager une salle de bains.
L’expat qui veut bénéficier du même tarif que les Indiens
Nous avions mis deux prix sur notre site. Le premier pour les occidentaux, le deuxième beaucoup plus bas, pour les personnes vivant en Inde, avec peu de moyens.
Qui me contacte ? Des expatriés ! Alors si vous ne savez pas faire la différence entre un expat et un immigré, elle est très simple. Un expatrié est un employé qui est envoyé par son entreprise de son pays, pour travailler dans un autre pays, tout en gardant les mêmes avantages et surtout le même salaire qu’il a dans son pays d’origine. Sans compter la prime de déplacement.
Un immigré est une personne qui quitte tout pour aller s’installer dans un pays, qui cherche du travail sur place, et qui donc est payé en fonction du taux salarial du pays en question.
Donc les expats ont la belle vie quand ils sont à l’étranger, vouloir bénéficier du tarif « local » qui était à l’époque moins de 600€ pour un mois de formation, hébergement et repas compris, c’est tout simplement se foutre de la gueule du monde.
Je n’ai tout simplement pas donner suite.
Rabais parce qu’on est deux
Faisons court : « Si je viens avec une amie, est-ce que je peux bénéficier d’un rabais sur le coût total de la formation ? ».
Non.
Enseigner en anglais
Pendant un mois, j’ai été confrontée à une élève qui s’évertuait à vouloir enseigner en anglais, alors qu’elle n’était pas bilingue, qu’elle ne savait déjà pas enseigner en français et qui de base, avait une expérience très faible des pratiques dites du yoga.
Ses cours de trois postures duraient 45 minutes, car elle lisait ses notes, répétait les phrases qu’elle entendait pendant les pratiques matinales, et ne pouvait même pas commander un simple thé en anglais…
Evidemment que cela été difficile, j’étais devenue son ennemie car je lui demandais d’arrêter de se mettre une pression supplémentaire. Apprendre à enseigner en français en premier, puis potentiellement prendre des cours d’anglais.
Mais non, rien n’y faisait.
A la fin je ne disais plus rien, je la laissais faire, les élèves en avait marre de suivre ses cours pendant les pratiques de groupe, et elle se plaignait ouvertement de mon comportement en disant, encore une fois, que je n’étais pas très « yogi ».
Soupir…
J’ai lu tous tes articles, donc on se connait
La magie d’internet. Plus vous vous exposez, plus les gens pensent vous connaitre. C’est un tort. Le nombre d’élèves qui suivait mon blog était somme toute assez impressionnant. Ce qui a eu parfois des conséquences désastreuses. Manque total de respect durant les cours. Interprétation erronée de mes propos. Clash à venir, forcément.
J’en étais arrivée à me méfier des personnes qui commençaient par me dire par « j’adore ce que tu fais, ce que tu dis ». Car invariablement, durant les discussions, parfois ce que je disais entrait en conflit avec ce qu’ils comprenaient. L’arrogance de certains élèves, les affronts frontaux, les abus de langage, m’ont poussé trois fois à renvoyer des élèves de la formation.
Si au début j’étais satisfaite de mon action, j’ai vite déchantée, quand une élève m’a lancé « alors quoi, moi aussi tu vas me virer ? ».
Celle-ci fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Je me suis posée la question de savoir pourquoi je m’imposais ça. C’est à ce moment que j’ai décidé de laisser tomber les formations. Je ne pouvais plus me prendre les humeurs de chacun pendant un mois, gérer l’humain ça va bien deux minutes. Moi aussi je prenais cher pendant certains mois.
Perte de crédibilité
Si les nouveaux professeurs se posent la question de savoir s’ils sont légitimes à l’enseignement du yoga, les formateurs, dès lors qu’ils travaillent avec d’autres formateurs, sont aussi sujets à ce genre de questionnement.
Pour ma part, j’ai travaillé avec des hommes, les élèves étaient majoritairement des femmes. Or, j’ai pu remarqué que ma parole ne pesait pas lourd, sur un même sujet qui aurait été abordé en amont par l’un deux.
Quand au détour d’un ajustement, j’indique que le pied arrière peut aussi bien être à 45 ou 90 degrés (avec le recul franchement on s’en fout), une élève me prend à partie en disant : « oui mais hier Rakesh nous a dit que le pied devait être exactement ainsi, et pas comme ça ». Je lui ai dit que ça pouvait aussi dépendre. Une autre insiste : « mais Rakesh dit que ».
Bref il est indien, c’est un homme, il sait mieux que moi.
Pareil pour la philosophie, si le sujet a déjà été couvert par l’un deux, on me dit gentiment « on l’a déjà vu avec machin ».
Okay, namaste, merci d’être venu !
Les menaces et autres situations ubuesques
Comme je le disais plus haut, l’être humain est un être complexe. La perception de certains est loin de ce que l’on pourrait imaginer.
Une élève s’était mis en tête que l’un des professeurs avait des vues sur elle. De ce fait elle a commencé à lui envoyer des messages, en lui disant de cesser toute activité, en citant des articles de la Bible, en écrivant qu’il l’avait envoûtée par une quelconque magie noire venant de l’Inde. Une situation ubuesque, que j’ai encore du mal à expliquer aujourd’hui.
Une autre qui se serait blessée durant un Shirshana non assisté, par la faute des professeurs. Cette même élève qui n’avait pas la force de faire un Dandasana, à qui nous avions donné pour instruction de travailler la force des bras et la souplesse des ischios avant de partir dans un shirshasana seule. A la fin de la formation, comme c’était le dernier jour, elle voulait « sa » récompense, car l’inversion était la cerise sur le gâteau. Résultat elle le fait, seule, sans mur, et tombe.
Elle écrira plus tard un email dans lequel elle indique qu’un médecin a certifié que sa chute était la cause de problèmes aux cervicales, qu’elle demandait par conséquent un remboursement intégral de la formation, et que si on ne s’exécutait pas, elle irait de bon coeur poster des avis néfastes sur google, FB, IG, et YouTube et peut être au magazine Santé & Magazine, pourquoi pas ?
Je n’ai même pas répondu, je ne me sentais pas responsable. Et elle n’a pas insisté non plus.
Encore une, qui attendra la fin de la formation pour dire qu’elle n’a pas tout compris car les cours de philosophie étaient en anglais et que la traduction (donc moi) n’était pas très claire. Elle avait 28 jours pour s’exprimer, on aurait pu s’arranger autrement, la prendre à part par exemple. Mais non, elle aura préféré attendre le dernier jour pour se plaindre, de mon incompétence, le tout avec un sourire bienveillant.
Deux élèves décident de participer à un événement de yoga, un genre de festival, où elles tiendraient un stand de yoga pour le weekend, afin de faire découvrir leur activité. Elles me proposent de parler de mon école, d’en faire la publicité. Puis elle m’envoie le pamphlet du festival, qui indique les prix du stand à la journée !
Je décline cette « proposition alléchante », elles me répondront qu’elles parleront quand même de moi, mais moins… forcément je ne payais pas le stand, j’étais donc moins intéressante !
Pour conclure sur les Formations de Yoga
Dès lors que l’on se projette dans l’enseignement, ou dans un métier qui nous met en rapport avec un public, on pose une partie de nous en danger.
Le regard des autres sur nous, sera différent de ce que nous pensons projeter. C’est quelque chose que l’on ne peut pas contrôler. Plus vous vous exprimez au-travers d’un blog, ou de posts sur les réseaux sociaux, plus cela crée une promiscuité avec les gens qui vous lisent.
Au-travers de vos mots, ils vous comprennent, ou pas, portent un jugement bon ou mauvais, et se font une idée de vous.
Pour certains cela crée une attente, et plus cette attente est exponentielle, plus la déception sera grande.
Le public d’une formation de yoga est différent de celui qui vient le soir, après sa journée de travail, pour suivre un cours. Il est bien plus exigeant, parfois à tort, et moins patient. Pour lui, le mois de formation est un sésame vers une nouvelle vie, qui forcément sera plus belle une fois le diplôme en poche.
De ce que j’ai pu remarquer, et malgré ce que j’indiquais sur le site web quant à la préparation en amont, sur une vingtaine d’élèves, seulement la moitié aura déjà développé une pratique posturale en amont, connaitra les principes de base du yoga, et sera prête à se commettre pour apprendre de nouvelles choses.
L’autre moitié, vient en peu en touriste, après quelques semaines de pratiques, voir quelques mois, tout en gardant en tête l’espoir de devenir professeur de yoga. Profession encensée sur les réseaux sociaux. Je ne peux pas faire de généralité mais il est arrivé souvent de voir des personnes venir pendant un mois, avec des attentes que l’on ne pouvait pas combler.
Ce que vous proposerez ne sera jamais assez bien. Ou bien vous voyez trop de postures et trop d’ajustements de celles-ci, ou bien les ajustements ne sont pas assez linéaires et claires, ou bien la philosophie est trop difficile à comprendre, car à ce moment là ils ne sont pas prêts à potentiellement penser autrement, ou bien l’anatomie n’était pas assez conséquente, ou encore il y avait trop d’anatomie ce qui éloigne le sujet de la pratique du yoga, ou bien les chakras n’ont pas été abordés correctement car certains auraient déjà vécu des éveils de la kundalini. Sans compter ceux et celles qui arrivent avec le livre d’Iyengar et qui vont venir comparer chaque chose qui est dite sur telle ou telle posture, avec ce qui est écrit dans le livre, et passeront leur temps à vous confronter H24.
Ou encore, vous dites des choses qui ne sont pas écrites dans le manuel que vous avez donné, et donc ce n’est pas très clair. Et quand vous leur demandez de commencer par penser par eux-même, c’est-à-dire au lieu de demander « qu’est-ce que je dois sentir dans cette posture », il serait peut être plus judicieux de se dire « qu’est-ce que je ressens dans cette posture ? ».
Ou encore « qu’est-ce que je dois dire pour amener cette posture sur le tapis à mes élèves », se dire « la façon dont je pratique, est la façon dont je vais amener cette posture à mes élèves ». Le problème étant que s’il n’y a pas eu de pratiques en amont, ce sera difficile d’expliquer comment y aller.
L’un des points est « j’ai payé pour apprendre », oui certes, vous avez payé pour apprendre. Mais on ne peut pas vous apprendre à pratiquer. Il y a un travail qui doit venir aussi bien de l’élève que de l’enseignant. Et forcément, dès lors qu’on aborde le sujet de non préparation, cela crée un nouveau conflit.
Alors évidemment, tout cela combiné engendre des frustrations et des situations parfois déplaisantes.
La remise en question est nécessaire. L’élève pense qu’il est peut être roi, mais il serait intéressant de voir ce qui se passe des deux côtés de la pièce.