Quel est le parcours d’un « Formateur ou formatrice de Yoga » ?
C’est une question que l’on m’a posée, la semaine passée à la sortie d’un cours. Je n’ai pas la réponse exacte. J’aurai tendance à dire et à penser que pour devenir « formateur » il faut avoir une bonne connaissance du sujet. Pas seulement scolaire, connaitre les textes c’est une chose, les interpréter en est une autre, les comprendre en est une autre.
Tout texte en français du Hatha Yoga Pradeepika, de la Bhagavad Gita, des Sutras de Pantanjali, la compréhension des Upanishads, sont sujets à interprétation personnelle. C’est-à-dire que leur essence première a été diluée dans les différentes traductions qu’ils auront subies, du sanskrit à l’hindi, puis vers l’anglais et ensuite vers le français.
Chaque personne, même maître de la langue pour laquelle il traduise, y infusera son interprétation personnelle.
Ensuite le texte lu par le formateur, sera compris par lui, puis interprété à nouveau pour la transmettre à ses élèves.
When experience, reasoning
and teachings agree,
then you know,
and you know that you know.
Traduction Google :
« Quand l’expérience, le raisonnement et les enseignements sont d’accord, alors tu sais, et tu sais que tu sais« .
Interprétation numéro 2 sur le simple mot « reasoning » : Réflexion, cogitation.
Si on décide d’utiliser le mot cogitation alors la phrase devient :
« Quand l’expérience, la cogitation et les enseignements sont d’accord, alors tu sais que tu sais« .
« Quand l’expérience, la réflexion et les enseignements sont d’accord, alors tu sais que tu sais« .
Et si l’on décide de la transmettre, en fonction de ce que nous comprenons :
« Quand l’expérience, le raisonnement et la transmission sont en accord, alors tu sais que tu sais ».
Tandis que la phrase originale prenait le temps de différencier les trois entités à part entier soit :
l’expérience : vous savez que c’est vrai grâce à une expérience directe, une déduction ou une déclaration écrite ou orale d’autrui.
le raisonnement : la façon dont les trois modes de connaissance interagissent dans une situation donnée, sont-ils d’accord ou en désaccord avec les uns ou les autres autres ?
la transmission : soit la recherche de l’expérience vécue, l’inférence (admettre) par le témoignage d’autres qui ont déjà suivi ce chemin.
On se retrouve déjà à développer un mode de pensée différent de la simple traduction et de la simple compréhension personnelle. C’est-à-dire que le yoga pour se transmettre doit pouvoir être compris pour la subtilité du texte et de ce qu’il propose en terme de recherche, pas simplement spirituelle, mais au-delà du voile qui nous empêche parfois de voir l’ensemble.
Ce que je sous-entends, c’est que devenir « formateur » de yoga, ne doit pas être simplement un désir d’arrondir les fins de mois plus facilement, car une formation de yoga est plus chère qu’un cours d’une heure, mais que cela doit venir avant tout des tripes, et d’un désir de partager l’expérience accumulée au cours des dernières années de pratiques et de réflexions que cela aura engendré.
Or, de nos jours, certains formateurs de yoga n’ont que très peu de bagages à leur actif. Ils se contentent de lire ce qui a été expliqué par d’autres, voir de le recopier, pour ensuite le ressortir aux nouveaux aspirants, qui eux n’y verront que du feu.
Il n’y a qu’à voir la quantité de posts circulant sur Instagram qui couvrent inlassablement les mêmes sujets pour vendre une formation de yoga.
Le nombre de formations de yoga est aussi exponentielle. La plupart des professeurs se définissent avant tout comme « formateur » et non plus comme enseignant. Cela voudrait dire que bon nombre de personnes aurait alors compris et saisi la vraie essence du yoga, pour autant la place de l’ego dans le monde du yoga est impressionnante. Les professeurs se veulent plus spirituels qu’ils ne sont vraiment, développent un certain charisme, et ce charisme est suffisant pour vendre un programme de 200 Heures.
D’autres vont mettre en avant que leur formation est unique, que les aspirants professeurs vont apprendre à enseigner des postures, pour lesquelles toute sorte d’idées et de suggestions seront mises en place afin de ne pas « blesser » les élèves. Quand on lit le programme de certaines formations, on se demande s’ils ne deviendront pas kiné voir osthéopathe tant l’emphase est mise sur le fait de pouvoir pratiquer, transmettre des asanas sans mettre en danger la vie des gens.
Non seulement on sous entend que les futurs professeurs deviendront experts en anatomie sur n’importe quel corps, mais en plus que s’ils ne sont pas capables de différencier un groupe de muscles parfaitement, ce sera préjudiciable pour l’enseignement car ils feront probablement du mal à leurs futurs élèves.
D’autres formations sont plus claires dans leur intention. Ils vous apprennent déjà à mettre en avant vos cours, par un système de tunnel de vente, pour être capable de développer des cours en ligne sur une plateforme qui permettra de faire un chiffre d’affaires pas trop dégueulasse et ce en peu de temps. Car enseigner en studio, c’est bien, mais ça ne paie pas, et en plus il faut courir d’un point A à un point B pour avoir assez de cours par semaine…
Donc qu’est-ce qu’un bon formateur de yoga de nos jours ?
Je ne sais pas. Je ne sais plus.
Quel est le parcours d’un formateur de Yoga ? Malheureusement la réponse est assez simple : un 200 Heures, quelques 30 heures de stage par ci, par là et c’est à peu près tout. Tout le monde peut devenir formateur de nos jours. La profession n’est pas réglementée. D’où la prolifération de formations de yoga en tout genre.
Il faut aussi comprendre que par formation de Yoga, on sous entend le plus souvent une formation de yoga postural. On va apprendre en premier à enseigner des asanas. Car c’est ce que l’on fait dans un cours d’une heure. C’est ce que l’on transmet en premier lieu. Donc l’urgence dans la transmission est avant tout physique. Si vous voulez toucher au côté spirituel c’est une autre histoire. Car le soir à 19 heures, Monsieur et Madame Jacques qui viennent à votre cours de Vinyasa ou de Hatha de 55 mins, sont là avant tout pour se détendre physiquement, pour se muscler, pour faire un peu d’exercice physique après une journée de travail.
Donc dans les cours que l’on enseigne en studio, on enseigne avant tout une activité physique. Même si on utilise du sanskrit pour nommer les postures, cela reste en majorité un moment où les personnes viennent chercher de la détente, une relaxation par le biais d’un cours dynamique ou calme.
Vous pouvez tenter de parler philosophie, ça ne fait pas de mal, mais la majorité des gens vous écouteront avec respect certes, pour autant ils ne remettront pas en question leur choix de vie et ne deviendront pas végétarien du jour au lendemain, même si vous avez abordé le thème de Ahimsa (je fais une traduction littérale de la non-violence).
Je me rappelle d’un cours que j’ai donné, durant lequel j’ai insisté sur la pratique de la respiration. A la fin du cours, je croise deux élèves attablés à une terrasse fumant une cigarette et sirotant un verre de vin. Voilà c’est la réalité. On ne change pas la vie des gens. On peut la changer et amener une petite lumière sur quelques uns, mais pour la majorité des gens, le yoga est avant tout une activité physique.
Attention je ne juge pas le fait d’avoir croisé les élèves tranquilles à une terrasse de café ! Mais je n’étais plus étonnée de voir à quel point ils avaient eu autant de mal à respirer pleinement, car leur mode de vie ne correspond pas forcément à la discipline des techniques de yoga.
Pour autant doivent-ils continuer à venir une fois par semaine ? Oui pourquoi pas ? Souvent les gens choisissent un cours en fonction de l’heure et du jour qu’ils leur conviennent, pas parce qu’ils veulent impérativement pénétrer les voix justement impénétrables du yoga.
Pour revenir au sujet des Formateurs des techniques dites du Yoga, je pense qu’il y à boire et à manger. Certaines sont bonnes, mais vu le nombre de formations en place, je commence à douter de la qualité de certaines d’entre elles. Vu le peu d’expérience de certains formateurs, on finit forcément par se retrouver avec un savoir dilué de toute essence originelle.