A woman practicing yoga indoors in lotus pose with candles creating a calming atmosphere.

Les impressions

Chaque moment de la vie laisse une impression sur notre être. Les instants douloureux nous marquent tant mentalement que physiquement tout comme les instants de bonheur peuvent littéralement changer le physique d’une personne en la rendant plus rayonnante.

La société ne nous apprend pas, ou ne nous montre pas nos qualités d’être humain, et encore moins notre potentiel.

Elle redirige nos sens vers toutes sortes de distractions, pour que nous restions à l’extérieur de « nous », sans se soucier de ce qui se passe en « nous ». Elle ne nous apprend pas à ressentir, au contraire, tout est mis en oeuvre pour qu’il y ait un oubli de soi.

En tant que professeur, lorsque nous donnons un cours, nous pouvons voir ce que cela implique sur les élèves qui se présentent à nos cours.

Ils n’ont aucune notion d’opposition, une planche où l’on resserre les jambes, bras tendus, présente souvent un bassin trop bas ou trop haut, rarement dans l’horizontale. Les douleurs arrivent alors aux poignets.

On demande aux élèves participants de serrer les jambes, ils n’y arrivent pas, ou bien tout simplement de les tendre et le résultat reste le même. Quand a contrario, vous leur demandez de plier les genoux pour une flexion avant, les jambes restent tendues.

Alors il y a plusieurs cas de figure, comme le manque de souplesse. Certes. En revanche, lorsque les gens sont debout les jambes peuvent se tendre, quand ils marchent, ils peuvent aussi tendre les jambes. Mais lorsque vous les amenez à un exercice physique, d’apparence simple, il y a une déconnexion totale, entre le corps et le mouvement.

Dans la majorité des cas, les gens que nous avons en cours, n’habitent pas leur corps.

Encore moins leurs sensations.

Une posture d’apparence simple, à quatre pattes, bras tendus en avant, avec les deux genoux au sol, peut vite devenir un supplice et ce peu importe l’âge de la personne. Vous avez des personnes de 25 ans, qui sont encore plus mal en point qu’une autre de 50 ans. Et avec les années, ce phénomène s’intensifie.

Il y a plus d’importance sur l’apparence physique externe, que celle interne. Chez les très jeunes filles, on peut voir des bassins complètement immobiles. Des épaules complètement raides. A les regarder, elles donnent parfois l’impression d’être prisonnière de leur propre corps, tant celui leur est étranger.

A cela s’ajoute les différentes impressions que la vie laisse sur le chemin. Chaque impression revêtant son propre masque. Nous avons une identité pour le travail, une autre pour nos amis, une autre pour notre famille. Nous sommes tour à tour, employé, mari ou femme, maman ou père, enfant, ami, connaissance, étranger. 

Chaque masque a son propre rôle.

L’être humain est un oignon recouvert de plusieurs couches. Le centre lui ne se dévoile jamais ou alors rarement, car la plupart n’a pas le temps pour s’accorder ce travail.

Alors chacun reste dans son rôle qui lui est alloué, et en fonction de la situation et des personnes qu’il côtoie, le masque change.

Rarement l’on rencontre une personne sans masque. Telle qu’elle est vraiment. Car la société ne propose pas ce chemin. Des gens qui réfléchiraient sur leur propre besoin et propre aspiration, ne sont pas rentables, car moins manipulables. Ceux-ci n’iront pas à droite si on leur impose, et cela pourrait poser problème. Alors on anesthésie la population à grand renfort de Black Friday, de bonhomie à l’approche des fêtes de Noël, de soleil au moment de l’été et des dernières bonnes affaires à prendre avant de partir un mois en vacances. Le seul de l’année.

Sans compter les nouvelles nauséabondes et les injustices flagrantes, la nature bafouée et le non droit des animaux, qui eux pour le coup, vivent le moment présent.

Lorsque dans un cours vous demandez aux élèves de respirer d’une certaine manière, la plupart ne le font pas. Par manque d’intérêt, ils n’ont aucune notion de ce que le souffle et sa maitrise pourrait un temps soit peu changer dans leur comportement. Même s’ils vous sourient et vous écoute, ils portent le masque de la négation, on peut presque lire au-dessus de leur tête : « alors quand est-ce que le cours commence ? ».

Ils viennent de bonne foi, avec tout la bonne volonté à ce cours, juste après leur travail ou après avoir déposé les enfants à la crèche ou autre, pour faire du sport, se détendre, peut-être découvrir quelque chose comme leur corps par exemple, et vous vous rendez compte que le chemin à parcourir est énorme.

Certains sortiront du cours avec l’impression de n’avoir rien fait, et ne reviendront pas, d’autres au contraire seront ravis d’avoir entendu tout le long du cours, inspire, expire, tend, plie, ramène, sur le ventre, le côté, sur le dos, debout, assis. Car c’est le seul moment de la journée voir de la semaine pour beaucoup, ils auront pris le temps de s’oublier, de laisser tomber le masque.

L’enseignement de toute activité est un vrai travail. La pédagogie se développe et s’affine au cours des années. Il faut, je pense, enseigner à tous types de personnes, pas seulement aux professionnels du mouvement ou à ceux et celles qui souhaiteraient devenir professeur à leur tour. Mais à tout le monde. Ne pas se cantonner qu’à un seul rôle.

Car les personnes « normales » sous-entendu, pas dans le milieu du bien-être, pas danseurs, acrobates ou autres, ont besoin de se réapproprier un petit bout d’eux-mêmes. Cela prendra sans doute du temps pour qu’ils finissent par habiter leur corps, mais le monde des possibles est immense.

Et peut-être qu’en qualité de professeur, à ce moment là de leur vie, on leur insuffle aussi une autre manière de bouger, et donc de penser, une possibilité de renouer avec une partie d’eux-mêmes qu’ils auraient abandonnée au cours de leur existence.

On peut leur amener l’impression qu’ils sont capables de faire les mouvements, de mieux respirer, et que cela peut les aider à y voir plus clair.

Et plus les gens ouvrent leurs yeux, plus la population s’améliore.

Archives

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut