La particularité du nomade est qu’il n’a pas de logement fixe.
Quand on fait une recherche internet sur « vie nomade » on tombe sur des sites qui expliquent comment devenir nomade, un guide aux questions et tous les conseils pour le devenir.
Je ne pense pas que c’est quelque chose qui s’apprend.
C’est quelque chose qui arrive, sans crier gare, et qui finit par s’installer dans votre vie pour devenir votre vie au quotidien.
Depuis 2013, j’ai passé plus de 60 mois en Asie. Partagée entre l’Inde, l’Indonésie, la Thaïlande et la France. Ce style de vie s’est imposée à moi, je ne pensais même pas que c’était possible, quand bien même je le rêvais en tirant des plans sur la comète.
J’avais un appartement, que j’ai fini par vendre en 2014. J’ai connu plusieurs étapes dans ma vie, la vie de salariée en entreprise, la vie de cadre dans un environnement plus que confortable, le travail indépendant puis la création de ma société.
Je connais le milieu tertiaire pour y avoir passé presque 16 ans (j’ai commencé à travailler très jeune), et je me rappelle un jour où j’étais à Montréal, au summum de ma « réussite sociale », dans ma voiture, je regardais mon appartement de la rue, le balcon, le cadre, l’environnement, le travail qui me permettait de bosser à New York pendant trois mois tout en m’autorisant à rentrer le weekend à Montréal, les voyages au fond de la Gaspésie et je me suis rendue compte que j’avais eu ce que je voulais…… et pour autant j’étais malheureuse comme les pierres.
C’est en rentrant en France que ma future vie s’est profilée, de façon assez inattendue mais pleine de promesse.
Et le jour où j’ai fait ma valise pour mon premier voyage vers l’Inde en 2011 j’ai su qu’à partir de ce moment là, ma vie allait changer.
Voyager en Asie est assez particuliers. Les points de repère sont très différents de ce que nous avons l’habitude de voir. Il faut un certain temps d’adaptation. L’Inde vous transperce et vous force à voir ce que vous ne souhaitez pas voir, vous force à entendre ce que vous ne souhaitez pas écouter, et pour autant l’expérience est unique.
Bali est un refuge, plus ça va plus je m’y sens chez moi. Comme toutes les villes d’Asie elle est polluée, trop de population, trop de voitures, trop de tout, Paris paraît mort à côté, et pour autant c’est un endroit qui me ressource et qui me permet de garder une pratique régulière. Chaque voyage à Bali est une amélioration de moi même.
Le Népal a été très fort vibratoirement parlant. Pour le coup j’ai vraiment aimé me perdre dans les rues chargées de poussière de Kathmandu. Une belle leçon de vie, quand nous avons du mal à parler anglais, à Kathmandu des népalais qui n’ont jamais rien connu d’autre, arrivent à vous parler en français, en anglais et parfois même en espagnol. On n’est jamais vraiment perdu à Kathmandu, tout le monde vous donnera tout le temps le meilleur chemin, certains iront jusqu’à vous raccompagner au croisement où vous vous êtes égarée.
La surprise, me retrouver dans un café à Durban Square, avec la musique de Queen à fond dans les enceintes. C’était une scène surréelle.
Le Vietnam est particuliers. Mais la famille à qui je loue la maison est incroyable. Le petit garçon descend avec sa tablette, traducteur Google activé pour m’inviter à venir diner chez eux. Ce sont alors des repas qui n’en finissent plus tellement il y a de nourriture. Personne ne parle vraiment l’anglais, je n’ai rien appris de la langue vietnamienne, on se parle avec des regards, des gestes, des sons et ce sont des moments juste parfaits.
Certains Vietnamiens n’aiment pas vraiment les touristes, une fleuriste a refusé de me vendre des fleurs, d’autres vous font payer les fruits trois ou quatre fois plus chers sur les marchés, et vous les retrouvez pour rien dans le petit supermarché. C’est une leçon, faire ses courses sur le marché ne revient pas moins cher qu’en grande surface….. c’est dommage.
La vie nomade s’est imposée à moi et je n’ai pas eu besoin de manuel pour comprendre comment ça marchait.
Louer un appartement dans une ville étrangère, où l’on ne connait personne est une expérience unique. Il n’y a plus de bulle de confort, rien n’est à nous, et tout ce que nous faisons n’est que temporaire.
C’est plus vivre sur quelque chose de « temporaire » qu’il faudrait apprendre, car on nous dit tellement que la stabilité est importante, qu’il faut pouvoir se poser un jour, qu’on finit par penser que vivre de manière temporaire dans un endroit choisi deviendrait alors la plus grosse bêtise jamais commise par l’être humain.
Le monde devrait être un « global couch surfing », il y aurait alors de la place pour tout monde car la population serait en mouvement constant.
Etre nomade, sans logement fixe a aussi ses faiblesses. Il arrive alors des périodes de gros doutes, où l’on est plus faible, et l’où on se dit qu’au final ce serait pas mal d’avoir un truc à soi. Cette pensée arrive souvent, repart souvent mais revient tout le temps. Encore une fois je pense qu’il ne faut rien précipiter, les choses se déroulent le plus souvent de la façon dont elles doivent se faire. On apprend alors à être beaucoup plus patient, et même si parfois on se laisse emporter, ce n’est que passager.
Décider un jour de tout quitter et partir avec son sac à dos à l’autre bout du monde en croyant que l’herbe est plus verte ailleurs, est en revanche une mauvaise idée, susceptible d’échec.
J’en ai connu beaucoup qui après une année de vie passée à aller à droite et gauche se sont perdus, et c’est ce qui arrive lorsque les attentes sont trop élevées. Car à partir du moment où l’on se crée une attente alors on ne fait plus rien de manière naturelle, on essaie de forcer les choses au lieu de les laisser faire.
Comme la plupart du temps, dès lors qu’on adapte ce style de vie, on se retrouve seul à prendre des décisions, on se rend assez vite compte que nous avons déjà les réponses et que très souvent c’est la première chose qui nous vient en tête qui est la bonne.
L’Asie est très puissante, beaucoup plus que ce que croit l’Europe. Les villes de Bangkok ou de Singapour n’ont absolument rien à envier à New York, Paris ou Londres tant les avancées sont énormes. Ce sont de grosses mégalopoles qui vous engloutissent et quand on pense à l’Europe on se dit, que c’est très cozy et calme.
Faire des affaires en Asie est extrêmement compliqué dès lors que vous souhaitez rendre les choses légales. Il y a tellement de corruption partout, toujours des frais à payer, des visas à obtenir, des documents à fournir. La bureaucraties est super lourde.
Vouloir devenir propriétaire ou locataire de quelque chose sur du long terme, prend des contacts. Il y a des endroits qui ne louent rien aux étrangers, on est donc obligé de sous louer quelque chose, pour lequel on va payer, et que l’on n’est pas certain d’avoir. C’est un risque, que tout le monde prend, mais qui peut se solder par une belle transaction tout comme un cuisant échec.
Quand on est nomade il faut savoir s’adapter, c’est ce qui a été le plus difficile en Inde. Maintenant que je travaille sur mes propres projets j’ai beaucoup plus de flexibilité car je commence à en comprendre le fonctionnement.
On devient nomade par la force des choses, pas bohème. La vie de bohème est différente elle est une façon de vivre au jour le jour mais dans la pauvreté. C’est un mouvement romantique qui est apparu à Paris. A part les sans abris qui forcément ne l’ont pas choisie, personne ne vit ainsi. Pour être nomade il faut comprendre la réalité de la vie et à moins d’être riche à million il faut pouvoir travailler partout où l’on se trouve.
Il existe maintenant un nouveau métier « digital nomad » qui représente des gens qui bossent sur leur ordinateur mais probablement en tongs au bord de la mer avec une noix de coco fraîche, au lieu d’un bureau gris dans une ville. Mais attention, on change le cadre de travail mais le travail est omni-présent, il ne faut pas l’idéaliser non plus. Chaque chose demande un travail personnel, c’est sur le long terme que ça devient payant.
Pourquoi j’écris cet article ?
Je reçois des emails et plusieurs fois on m’a demandé des conseils sur comment faire pour partir vivre et s’installer à l’étranger.
Je n’ai pas la recette malheureusement, je n’ai que mon expérience. Je ne me documente pas avant de faire des choses, peut être que je devrai parfois ça pourrait être utile, tout est arrivé par un concours de circonstance, en fait contrairement à ce que l’on pourrait croire non ça n’a jamais été une fuite, je me suis laissée emportée par les choses telles qu’elles se sont présentées et je les ai façonnées à ce que je voulais qu’elles représentent.
Le détachement
L’un des conseils que je pourrai donner, et encore, c’est la particularité et la relation qu’il faut pouvoir entretenir avec le détachement. Forcément, pas de logement fixe, pas de chose à « soi », pas de placard à soi pour ranger ses vêtements, ne pas avoir « sa » tasse de café où je ne sais quoi d’autre. Il faut alors apprendre à aimer sur le moment et à savoir s’en défaire tout aussi rapidement.
Il y a cette histoire que Trupta raconte souvent en philosophie, que je ne comprenais pas au début mais qui est maintenant limpide pour moi.
C’est l’histoire d’un enfant qui a été abandonné et qui est recueilli par un vieillard. Il prendra alors soin de lui pendant cinq années. Puis un jour on frappe à sa porte, et on lui demande de rendre l’enfant car les parents ont été retrouvés. Le vieillard le fait sans discuter et retourne à ses tâches, de la manière la plus naturelle qu’il soit.
Difficile à imaginer dans notre monde actuel, et pourtant c’est aussi ce que l’on apprend en étant nomade. Le pouvoir de se détacher tout aussi facilement des gens, des choses, d’un environnement ou autre. Ce n’est pas de l’égoïsme, c’est vivre le moment présent tel qu’il se présente, et si le moment est venu de se détacher, on arrive à le faire sans jamais jeter un regard derrière son épaule.
A mes yeux c’est une grande qualité, car la nouveauté est toujours présente.
Psychologiquement la vie de Nomade peut être difficile.
Les échecs
Surtout quand vous affrontez des échecs.
Je me rappelle un soir à Pattaya, où j’en étais arrivée à mesurer la distance entre mon balcon et la piscine, pour savoir quelles étaient mes probabilités de survivre en cas de chute. Le fameux deux choix, un tu deviens paraplégique, deux tu commences une nouvelle vie dans un autre monde.
Franchement je vous rassure, cet état de désarroi profond n’est arrivé qu’une fois dans ma vie, et il fut éphémère car je me souviens « m’être vue envisager cette option » et j’ai piqué un gros fou rire. J’ai ri de moi, comment j’avais pu en arriver à ce stade ? Et au lieu de penser à une fin dramatique je me suis mise à creuser vraiment dans mon inconscient. Une grande période d’introspection est née de ce moment, et je le garde encore avec moi. Je remercierai toujours ce moment aussi bizarre qu’il ai pu et qu’il puisse paraitre à l’heure actuelle.
Car grâce à lui j’ai compris que j’avais le pouvoir de réflexion, et que c’étaient mes actions qui changeaient la donne.
Un moment de confrontation avec soi même aussi intense qu’il peut apparaître est toujours une bonne chose en soi.
Quand on est à l’étranger, seul, on est souvent très différent de ce que nous sommes dans notre pays d’origine. Car il faut s’adapter. Il faut donc s’ouvrir plus et apprendre à échanger avec des gens que l’on ne connait pas. Si l’on reste dans sa bulle le voyage devient stérile.
Au final on a tous un nomade en nous, et qui vous dit que ce nomade n’est pas vraiment « vous » ?
Si les échecs sont puissants, les réussites sont alors remarquables, même si elles prennent plus de temps pour arriver. En revanche elles sont souvent au rendez-vous.
Les (petites) réussites
Elles sont très simples.
Outre le bonheur de faire ce que l’on aime et la faculté d’adaptation d’un pays à l’autre, c’est ce qu’elles font grandir en nous qui est spécial. On n’est plus jamais vraiment seul où que l’on soit, si l’on recherche vraiment un lieu à soi il finira par se présenter. Chaque jour représente alors la possibilité de le trouver à n’importe quel moment, n’importe où.
C’est aussi quelque part vivre dans un émerveillement constant, par exemple j’ai appris en me promenant dans le vieux quartier de Hanoï, que chaque rue avait son métier et son matériel vendu en accord. On se retrouve alors avec la rue des portes, celui qui fabrique les poignets, l’autre le bois pour la faire, l’autre les outils pour la monter etc… plus loin se trouve le quartier de la papeterie, où l’on peut acheter tout ce qui se rattache aux livres, aux écrits, stylos, carnets, notes, cahiers et ainsi de suite. Mais ses rues sont tellement longues, elles font au moins deux kilomètres, donc pendant deux kilomètres on se retrouve à marcher dans la rue qui ne vend que des fleurs en papiers et plastiques, avec des lanternes rouges. C’est très particuliers comme atmosphère.
A Kathmandu les maisons sont petites, les portes sont petites, les plafonds sont bas, et c’est vrai, les népalais ne sont pas très grands. Dans l’appartement que je louais je passais mon temps courbée en deux pour éviter de me cogner.
Regarder les batailles de geckos sur la terrasse à Ubud en buvant une tisane avec une chauve-souris qui vous tourne autour de la tête.
Passer la soirée à boire du vin rouge en écoutant de la musique classique, dans une hutte en bambou quelque part sur l’île de Ko Pha-ngan…. magique !
Puis ces échanges avec des inconnus, des soirées improvisées, des shots improbables, faire de l’auto-stop pour relier Chang Miai à Chang Rai juste parce qu’on en avait envie, marcher au petit matin sur une plage embrumée avant la mousson à Goa, regarder les rizières défilées sous vos yeux dans un train indien… Vivre tout simplement.
Si le fait de ne pas avoir d’adresse fixe fait de quelqu’un nomade, alors oui je considère que j’en suis une.
Et je pense que c’est la meilleure chose qui me soit arrivée dans cette vie.