La renaissance.
Lao Tseu dit : « Quand l’élève est prêt, le Maître apparait ».
Alors pour les personnes qui ont un peu de difficulté avec le concept de l’Ashtanga Vinyasa Yoga, ou encore le fait de vouloir rencontrer un Maître dans la pratique du Yoga, cet article ne vous parlera pas.
Comme je l’expliquais dans une story Instagram la semaine passée, personnellement la pratique de l’Ashtanga Vinyasa Yoga est vitale, elle fait partie de mon prana, elle circule dans mes veines. Pour vraiment le comprendre il m’a fallu d’abord la perdre, en perdant la confiance que j’avais mise dans mon professeur puis ensuite en me perdant peu à peu.
Je ne referai pas le « podcast » sur ce que j’ai dit en amont, mais ce voyage à Bali est un virage à 90 degrés, auquel je n’étais pas préparée et voyage pour lequel je n’avais absolument aucune attente.
Depuis 2017 mes voyages dépendaient des lieux et des professeurs avec qui je souhaitais pratiquer. En 2024, après 2 années d’errance tant mentale que physique, je suis venue à Ubud pour m’ouvrir à d’autres pratiques, espérant trouver un nouveau chemin et un nouveau sens à ma pratique. Pour m’enrichir personnellement et ensuite potentiellement mes cours voir stages à venir.
Au détour d’un cours intitulé « Ashtanga Inspired », proposé à Radiantly Alive, j’ai fait une rencontre, cruciale, qui m’a bouleversée et qui ma remise sur les rails de la pratique Mysore.
Le professeur s’appelle Ade Adinata, il est Balinais et a ouvert un shala en-dehors du centre de Ubud. Trois fois par semaine, les après-midis, en plus des Mysore classes qu’il conduit dans son propre shala, il donne un cours d’Ashtanga Vinyasa Yoga, ouvert à tous, dans lequel il incorpore la deuxième série à la première série. Et ce de façon extrêmement intelligente et surtout bienveillante.
Après deux semaines à Ubud, passées à aller à différents cours de Sound Healing Meditation, Vinyasa Krama – qui n’avait rien de « Krama » – un cours de Breathwork – très mauvais – puis un cours de Vinyasa Flow – au moins je savais où je mettais les pieds, je me suis un peu poussée pour aller suivre le cours d’Ashtanga Vinyasa dit « inspiration », mais j’y suis allée sans aucune espérance, ni aucun a priori.
Au début j’ai eu un peu peur, car le professeur, Ade, avait l’air froid, il a expliqué son cours, puis s’est interrompu quand deux élèves sont arrivés en retard. Il a attendu qu’ils soient installés pour reprendre la parole, ce qui était très intimidant pour eux et aussi pour nous. En moi-même j’ai pensé « okay, il est méga stricte alors qu’il enseigne un cours dit « inspiration »….
A ce moment je ne savais pas qu’il était autorisé par le main shala et très ami avec Boonchu Tanti, que j’adore, et qu’il connaissait très bien mon professeur actuel soit Iain Grysak.
Au début du cours je suis allée le voir pour lui dire que j’accommodais ma pratique du mieux que je pouvais, suite à une blessure récurrente à l’épaule gauche.
Bref. Cet article va être long, si vous êtes encore là à le lire, prenez un café ou un thé car j’ai beaucoup à raconter.
Petite pause.
Cette photo illustre assez bien mon état d’esprit à ce moment précis. Je commence le cours mentalement au raz des pâquerettes, pour le finir complètement transformée.
L’arrêt de ma pratique régulière, a eu des répercussions sur mon mental, ma profession, mon physique.
D’un ancrage établit par l’exploration quotidienne de la pratique tant physique que psychologique, je me suis laissée envahir par un abattement total, qui m’a fait m’éloigner de moi et de tout ce que j’aimais vraiment. Sachant que je suis professeur de Yoga, il est important de continuer à se nourrir avant de nourrir les autres. Plus simplement, il faut continuer de recevoir un enseignement pour ensuite devenir un bon transmetteur.
Or je n’étais plus un bon transmetteur depuis ces quatre dernières années. Je me suis accommodée de ça, j’ai pratiqué autre chose, en me tournant vers le Hatha Yoga que j’aime beaucoup, mais qui ne m’apportait pas la même rigueur que l’Ashtanga Vinyasa Yoga. Toutefois, cette rigueur m’avait abimée car j’étais enfermée dans un style qui ne m’autorisait pas beaucoup de variante.
Durant ce cours, j’ai retrouvé la passion, l’énergie, j’ai réveillé non pas la Kundalini, mais la partie de mon être en dormance qui hibernait d’un hiver infini.
J’ai ressenti cette énergie vibrée, chauffer en moi et des automatismes que je croyais perdus, sont revenus. Bien évidemment j’ai mes limitations actuelles, mais le professeur ne m’a pas poussée dans mes retranchements, ne m’a pas dit « hum…. let’s try », n’a pas comparé celle que j’étais avant, celle que je pourrais être, mais a regardé celle que j’étais dans cet état présent. Il n’avait aucune attente.
Le problème que je rencontrai avec celui que je considère maintenant comme étant mon ancien professeur, que je continue de respecter complètement, étant qu’il entend ce que je dis, mais il ne m’écoute pas. A titre d’exemple quand je me suis blessée sous sa supervision, le lendemain il a certes guidé ma pratique, mais la semaine d’après il a oublié que je ne pouvais plus pratiquer comme je le faisais trois semaines plus tôt. De ce fait, au lieu de me laisser faire ce que je pouvais faire dans l’état actuel des choses, il m’a carrément rétrogradé tout d’abord physiquement au fond du shala, alors qu’avant il voulait que je sois tout le temps devant, puis ensuite il est venu m’arrêter au milieu de la pratique en me demandant de passer directement à la série de fermeture.
Ce qui en soit était assez frustrant, car il ne me laissait pas l’opportunité de continuer sur ce que j’avais acquis durement les 7 dernières années, en m’impliquant corps et âme, en me donnant à fond. Au lieu de cela, au lieu de me proposer des alternatives, il venait sur mon tapis pour me dire, ma pratique s’arrête ici. Alors que fondamentalement j’étais la même élève qu’il a connue au début du mois et trois années auparavant, la même qu’il a vu et de plus aider à évoluer et avancer. Sauf que mon épaule elle, ne pouvait plus supporter le poids de mon corps.
A ses yeux, puisque je ne pouvais plus « performer » alors je redevenais débutante. Combien de Shavasana en pleurs suite à cette décision que je trouvais injuste.
Quand en 2020 je suis rentrée en France, je me suis fait une promesse, plus jamais d’Ashtanga Vinyasa Yoga, plus de cours guidés, plus de Mysore. Je quitte cette pratique néfaste et ce climat anti oxygène.
Jusqu’à ce que je rencontre Ade Adinata, quatre années plus tard.
Non seulement il a vu en moi une « Ashtangi » mais il a aussi souligné que j’avais une très bonne technique. Tandis que je me trouvais lourde et lente sur mon tapis, il a vu du potentiel.
Nous avons discuté une heure après le cours, et après cet entretien j’ai su que j’avais trouvé en lui la personne qui allait m’accompagner sur ce chemin.
Ce matin j’ai fait ma première pratique guidée sous sa supervision. Petite pensée à Malory (si tu lis ces lignes), dès que je suis arrivée je me suis installée au fond. Sachant que je suis plus lente, je préfère rester dans mon coin. Ade me regarde et me montre le tapis de devant. Je me plie en deux et lui dit non ça va, je préfère rester derrière. Il me regarde et me dit « please, advanced practitioner come front » – « s’il-te-plait, les pratiquants avancés viennent devant ».
Le regard qu’il porte sur ma pratique est complètement différent du mien. Je suis donc passée devant, en m’excusant auprès des autres élèves.
Aparté numéro 1
Le fait d’être devant ou derrière n’est en rien un système de « caste » pour ceux ou celles qui s’en offusqueraient. Cela permet aux personnes derrière, qui ne connaissent pas les postures, de pouvoir se déplacer en même temps sur leur tapis de yoga, d’assimiler l’instruction à l’action de faire. Au lieu d’avoir un professeur qui reste sur son tapis tout le cours pour montrer les postures, les personnes devant, permettent aux autres de savoir quoi faire.
Fin de l’aparté.
Aparté numéro 2
Ade a expliqué la raison pour laquelle on ne devait pas boire durant la pratique. Ce n’est pas une règle pour faire souffrir les élèves. C’est pour laisser le système digestif en paix. Dès lors que l’on met quelque chose dans l’estomac, le système digestif se met en action. De plus les reins sont sollicités. Pour bénéficier pleinement de la pratique, et ne pas être interrompu avec une envie de pipi, ou l’envie de vomir quand on a la tête en bas, il est donc recommandé de ne pas boire durant la pratique. Si toutefois on « doit » boire, il vaut mieux aspirer l’eau à petite gorgée, au lieu de boire au goulot, comme en plein désert.
Fin de l’aparté numéro 2.
J’écris ceci, car à l’heure où la pratique dite de l’Ashtanga Vinyasa Yoga devient très contestée, trop rigide aux yeux de certains, il est important de comprendre pourquoi certaines instructions sont données, de plus au bénéfice de l’élève, et non dans un désir de contrôle.
Le corps n’oublie pas
C’est ce à quoi je pensais durant ce cours. Mon corps malmené a tout de suite retrouvé ses points de repère. Les larmes coulent un peu au moment où j’écris ces lignes. Mon corps soudainement s’est réveillé, il est sorti d’une torpeur dans laquelle je l’avais mis, et bougeait pratiquement de lui-même. Je ne saurai expliquer. La classe était guidée essentiellement par le comptage et la respiration, et sans réfléchir, mon corps inspirait là où il devait, levait la tête là où il fallait, pointait le regard au bon endroit et restait immobile dans chaque posture.
Si on m’avait dit ça la semaine passée j’aurai ri. J’aurai dit, « ça ne va pas être possible, car tout ça je ne peux plus le faire et je n’ai plus l’endurance pour le faire ». Et bien c’était sous estimer ce corps que j’ai fait souffrir. Je me suis réappropriée mes jambes, mes bras, mes épaules. Je suis revenue dans ce corps que j’avais puni, et il m’a fait savoir qu’il était heureux d’être là, heureux de pousser, de respirer, de lever, plier, tourner au rythme du comptage si familier.
Il m’a aussi dit « non, pas tout de suite », « plus tard », « pas encore » et j’ai tout accepté.
A la fin de la pratique, Ade et sa femme propose un petit déjeuner collectif. Quel plaisir de se retrouver à nouveau avec des gens qui partagent la même passion, d’autres qui se découvrent, qui débutent ou qui continuent leur petit bonhomme de chemin. Quel plaisir d’échanger autour de tout ce qui nous anime. J’ai ressenti des choses que je n’avais plus vécues depuis longtemps. C’est pour moi une vraie renaissance.
Aparté numéro 3
L’époque où j’étais en Inde, je nourrissais les chiens errants. Je n’avais pas peur de sortir avec mon sac de croquettes, et d’aller au-devant d’eux, qu’ils soient seuls, 3 ou 10. Aucune crainte.
Quand j’ai commencé une partie du confinement à Bali, l’atmosphère était tellement lourde à Ubud, que les chiens ont sauté une coche. Je me suis retrouvée un jour acculée au mur par trois chiens qui m’aboyaient dessus. Depuis j’ai développé une peur des chiens. Encore avant-hier, quand je voyais un chien dans la rue, ou bien j’attendais que quelqu’un passe pour me joindre à elle/lui, ou alors je changeais de chemin.
Aujourd’hui après la pratique, ma vibration a changé. Je sais ça peut paraître fou, mais je suis allée porter mon linge à laver, et hier j’appréhendais un peu ce moment car il y a trois chiens qui ne me paraissaient pas très cool. Ce matin, je suis sortie avec mon sac sous le bras, ils étaient là, on s’est regardé, l’un deux est venu vers moi et comme je n’avais pas peur, il n’a pas aboyé. Il m’a accompagné.
J’ai aussi les idées plus claires. Si j’étais encore dans le brouillard, aujourd’hui je vois un autre chemin se tracer, des nouvelles envies m’animent, tandis que la semaine passée je me demandais ce que je voulais vraiment faire.
Fin de l’aparté.
Pour moi la pratique physique de l’Ashtanga Vinyasa Yoga n’est pas seulement une histoire de « catching », « not catchig ». C’est une question d’équilibre et surtout d’ancrage.
Iain avait demandé dans un cours de philosophie : « quelle relation entretenez-vous avec votre pratique »? Cette phrase m’avait marquée car je n’avais jamais envisagé avoir une quelconque relation avec ma pratique. Il dit aussi que la relation que l’on entretient représente celle que l’on a avec nous-même. Et je m’étais dit cool, ça le fait.
Sauf que je n’avais pas compris le poids de cette implication. C’est seulement maintenant que je comprends l’ampleur de cette connexion. J’ai dû la perdre complètement pour saisir qu’en la perdant je perdais une partie de moi-même.
Alors : est-ce que ce voyage sera le dernier, ayant dit que Bali plus jamais je n’y reviendrai ? Bien la réponse est non. Je reviendrai l’année prochaine deux mois pour pratiquer avec Ade. Et à la fin de l’année prochaine, si mes prédictions sont correctes, je retournerai pratiquer avec Sharath à Mysore.
Une rencontre a suffit pour me détourner de l’impasse dans laquelle j’étais ces quatre dernières, et plus particulièrement ces deux dernières années.
Je suis infiniment reconnaissante à l’Univers et à mon intuition qui m’ont poussé à revenir ici, alors que financièrement et professionnellement parlant c’était tout sauf une bonne idée.
Parfois il faut effectivement tout perdre pour apprécier le moindre petit cadeau.
C’est exactement ce qui m’est arrivée. Je suis encore en cours de construction, mais cette fois ci je peux me servir du passé et de ce que j’ai acquis pour y construire mes nouvelles fondations.
« Asatoma Sadgamaya » – plus que jamais !
Libérée et repartie pour de nouveaux horizons. Que de travail. De reflexion. De decisions. Je te souhaite le meilleur à venir. Sois forte c’est tout le mal que je te souhaite.
😊 😊😊😊😊