Dernier Chapitre sur mon expérience avec l’Ayahuasca.
Deuxième retraite – Dernière session de Kambo.
Cette fois ci le chaman me fait 9 points à gauche sur le haut du trapèze. En amont j’ai bu un litre et demi, nous sommes le matin il est 9 heures. Les premières sensations ne sont pas agréables, tout d’abord j’ai chaud, alors je sue beaucoup, le chaman me demande de boire, je commence à vider la deuxième bouteille que j’avais préparée.
Mon corps se met à gonfler. La première fois mon corps avait enflé mais pas autant. Cette fois ci mon visage gonfle tellement, mes yeux sont des fentes, j’ai les lèvres si énormes, que je n’arrive plus à boire à la bouteille. Mes mains se boudinent. Mon système respiratoire ne change pas je vous rassure, c’est juste l’extérieur de mon corps qui gonfle. Et là je commence à vomir par jets puissants. Au début je ne vomis que l’eau. Puis peu à peu je vomis de la bile, mon seau est rempli d’un liquide jaune clair.
La bile est nuageuse, il y a plein de mousse autour. Je m’installe sur les toilettes car je sens que le système intestinal souhaite aussi s’exprimer. Je pose la bassine sur mes genoux, pendant que je laisse l’intestin se vider, je continue de vomir en même temps. Je réussis à sortir des toilettes pour rejoindre les autres. Nous sommes trois à faire le Kambo. L’organisateur réactive le kambo en l’humidifiant à nouveau, je vomis à nouveau. J’ai la sensation de laisser partir une partie de moi et c’est tout à fait grisant comme sensation. Je me sens bien.
Après quelques temps, entre 30 et 45 minutes, je n’ai plus envie ni de vomir ni le reste. Je me sens légère, bien, fatiguée, je souris. Je me regarde dans le miroir et là le choc. J’ai des lèvres absolument énormes, je comprends que jamais dans mon existence je ne m’injecterai quoique ce soit dans les lèvres pour les rendre plus grosses, et mon visage ressemble à celui des chipmunk, les petits écureuils qui remplissent leur bouche de noisettes…. je ne peux pas m’empêcher de me fixer, je ris mais mes lèvres sont tellement grosses qu’elles ne s’étirent plus sur les côtés, ça ne fait pas mal la sensation est juste étrange. J’ai une peau en revanche absolument merveilleuse, un teint splendide, plus aucune ride et le fond de l’oeil ultra blanc. Par contre je suis boursouflée….. et je le resterai pendant 24 heures, je dégonflerai complètement à partir de dimanche (on est vendredi matin).
Le reste de la journée se passe plutôt bien. Nous avons tous fait le Kambo et nous sommes tous gonflés à l’hélium physiquement parlant, la journée est chaude, je vais la passer à dormir et à lire.
Je commence un peu à cerner les autres participants, surtout la « canalisatrice », elle vit dans un déni total, elle se trouve entre « ça ne me fait rien » et le « je sens trop de choses se passer ». Elle me saoule un peu. Elle sent qu’elle me saoule et pour une raison inconnue cherche à s’attirer mes bonnes faveurs en me flattant. Je suis donc tour à tour jolie, belle, radieuse. Sa soeur qui est plus jeune et qui doit avoir une petite vingtaine est un peu pareil, elle suit le mouvement forcément, du coup c’est assez difficile d’avoir une discussion censée avec elle car elle change d’opinion et d’histoire toutes les 10 minutes. Comme je n’ai pas envie de m’étaler sur ma vie, sur ce que je fais, mon travail, ma vie je les écoute parler. Puis la grande diseuse d’aventure astrale me demande ce que je fais dans la vie…. oh boy….. je connais l’effet et les suites que vont proposer ma phrase « je suis professeur de yoga », je ne sais pas si j’ai envie de rentrer dans ce sujet, mais bon, je ne vais pas non plus m’inventer une vie, alors je balance la vérité. Je lui raconte un peu mon parcours et elle dit une phrase assez curieuse « c’est rare de rencontrer des gens, surtout une femme, qui vit sa vie en s’assumant complètement financièrement et personnellement »….. je la regarde et je lui demande « ah bon ? », parce que dans mon entourage j’en connais une tripotée quand même, qui ont le même travail que moi et qui gèrent leur vie.
Puis en discutant un peu plus, je comprends. Elle vit en Suisse mais ne bosse pas car c’est son mari qui la prend en charge et visiblement il gagne super bien sa vie. Je hoche la tête et je lui dis « c’est super, tu es donc libre de faire ce que tu veux, tu as du temps pour toi sans avoir le soucis de savoir comment remplir ton frigo à la fin du mois ». Et elle me répond qu’en fait avoir tout ne la rend pas heureuse et ce qu’elle aimerait c’est voyager seule et faire les choses par elle même. Bon là j’avoue que je n’ai pas cherché à creuser, je ne la connais pas, on est ensemble pendant trois jours pour une retraite, et dimanche elle aura complètement disparue de mon radar, donc ce qui se passe derrière les portes de sa maison ou de son mental ne m’intéresse pas plus que ça, d’autant que je ne la sens pas franc du collier et que je la trouve un peu fausse.
Bref….
Le soir arrive et notre deuxième cérémonie d’ayahuasca aussi. Je n’ai rien à raconter. Le chaman me donne une très petite dose, la veille j’ai voyagé loin et j’ai mes règles, donc cette cérémonie sera pour moi agréable mais je n’irai pas plus loin. Les autres en revanche auront une soirée compliquée.
Samedi matin – Bufo Partyyyyy!
Alors là, ce voyage, cette expérience a été absolument incroyable. Si la première fois je ne suis partie que 20 minutes, cette fois ci je vais vivre les 45 minutes de ma vie les plus belles de toute mon existence, tout en sachant que je n’ai aucun souvenir des 30 premières minutes mais il semblerait que je sois partie super loin, selon les dires de A. qui n’a pas souhaité le faire.
Au début A. est resté sur une chaise assis en face de moi. Je lui ai demandé de ne pas me fixer pendant que je prenais le Bufo car je ne voulais pas qu’il me stresse et je ne voulais pas me sentir épiée. Bon en fait c’est pas très grave, car après avoir fumé la pipe, j’ai gardé la fumée dans les poumons ce qui veut dire que cette fois ci j’ai fait une vraie prise de Bufo.
Je me rappelle être partie et m’être sentie bien tout de suite. Puis plus rien.
Quand je suis revenue j’étais sur le dos, les bras en croix, la bouche ouverte et je faisais « aaaaaaaaaaaaaaaaaaah » avec ma bouche, un son incroyable qui venait du plus profond de mes entrailles, entre l’orgasme et le soulagement de quelque chose qui sortait de mon corps sans discontinuer.
Un poids énorme, que dis-je une enclume entière est sortie de ma poitrine, de mes côtes, de ma cage thoracique. Une naissance. Toutes mes articulations étaient soulagées de toutes les tensions accumulées au fil des ans, mon esprit très clair, une lucidité incroyable, des réponses à pratiquement toutes mes questions, un soulagement venu d’outre tombe, la joie d’être en vie, la célébration de ma mort, la jouissance de ma naissance.
Alors forcément après être partie aussi loin, dans un nettoyage interne de chaque cellule de mon cerveau, le torrent de larmes n’est pas loin. Le torrent ? non, pas du tout…. le tsunami, accompagné d’un cyclone, le tout enrobé d’une tornade, un déluge total. L’arche de Noe à côté ? du pipi de chat. Combien de temps je pleure sans m’arrêter ? 10 minutes au moins. Je me fous de savoir si je fais chier tout le monde avec mes larmes, tout mon visage est inondé de l’averse de larmes, en plus ma voix fait des sons étranges, je pleure et je crie en même temps, je flagelle la personne que j’étais qui n’a pas su s’aimer et s’apprécier, qui ne s’est pas fait confiance, qui s’est laissé aller, qui a créé des situations inconfortables car elle ne s’aimait pas et ne savait pas aimer les autres, qui a rendu malheureuse les autres car elle était malheureuse, qui a rejeté ses problèmes à coup de « c’est à cause de ci ou de ça, d’elle ou de lui, si je suis comme ça« . D’un seul coup, dans cet instant tous les non dits, les ressentis, les empreintes, les coups, les blessures, les méchancetés, la médiocrité, les coups bas, les traitrises, la jalousie, l’envie, le désespoir, toutes ces putains de cicatrices que je traine et que je continue d’ouvrir à chaque fois que je me regarde le nombril, sont en train de s’envoler, de disparaitre dans une mer infinie de regrets.
De regrets ? Oui car je comprends, que je suis la seule responsable.
Vraiment la seule responsable ? Et l’environnement dans lequel tu/as évolue(é) n’y est pour rien ? Et bien non, et ça je le comprends à ce moment précis. Pour autant je ne me ferai pas l’avocate du diable en dispensant la parole sacrée du « nous sommes responsable de notre propre bonheur », mais je me la dispense à moi, car dans mon cas elle s’avère exacte.
Le chaman vient me voir pour savoir comment je vais…. je ne peux pas articuler deux mots, je ne suis pas encore là, je suis entre les deux mondes. Ce qui me fera sortir et revenir à la vitesse grand V c’est de voir l’ami de J. qui lui part en très très mauvais bad trip. Le chaman vient le voir et le force à se mettre sur le dos, j’ai l’impression qu’il va mourir. Il est sur le côté, les doigts crispés, le visage fermé, en convulsion, il fait des bruits étranges, il me fait peur, du coup mon voyage se termine abruptement mais il restera intact au fond de moi.
Le chaman réussit à le ramener et restera avec lui tout le long.
Je regarde ma voisine de gauche, celle qui se connecte à l’Univers, et elle se trouve sur le côté en poussant des râles, je lui demande comment elle va et je ne la sens pas bienveillante du tout. Sa soeur encore moins. Elle me racontera qu’en fait elle « a tout pris », c’est-à-dire que son voyage a été pollué par les expériences des autres… pour la faire courte, comme elle « canalise », elle a pris tous « nos » problèmes, « nos » blessures et du coup son voyage a été un aller simple pour l’enfer…..
Quant à sa soeur, elle n’a pas réussi à se laisser aller, son visage est encore plus fermé que le premier jour où elle est arrivée.
En gros ces deux là ont de vrais problèmes, cherchent à les régler, mais sans vouloir les régler. Elles remettent tout en cause et sont dans le jugement constant. Pas une fois elles vont reconnaitre que la médecine a déclenché quelque chose chez elles, elles sont plus dans le trip de dire qu’elles ne peuvent pas voyager, car elles agissent en tampon et reçoivent par conséquent les problèmes « des autres »…..
Quand l’ami de J. part dans une sorte d’exorcisme j’avoue que ça fait peur, mais elle, la médium canalisatrice de l’univers, va en rajouter en disant que c’est maléfique….. alors parler du « diable » quand tu fais des cérémonies avec des plantes hallucinogènes et des psychotropes très puissants, je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure idée pour aborder le truc….
Je n’ai rien contre les gens qui « canalisent », mais si tout ceux qui « canalisent » canalisaient VRAIMENT, alors peut être que leurs prédictions, ou leurs voix auraient pu nous éviter bon nombre de catastrophes, et peut être que ces gens là seraient déjà eux-mêmes super équilibrés et en accord avec eux mêmes. Ici on en est loin. En revanche, personnellement je ressens son énergie, à elle, et bordel qu’elle est noire, quand je la regarde ce n’est plus son visage que je vois, mais ce qui se cache en dessous du masque et déjà que je ne l’aimais pas vraiment, là il n’est plus question de l’aimer ou pas, je suis au dessus de ça, je souhaite juste ne plus la voir dans mon périmètre.
Le soir c’est notre dernière cérémonie d’Ayahuasca, et le chaman et sa femme vont se plier littéralement en quatre face aux désirs de cette médium astrale. Avant la cérémonie, on aura doit à plusieurs rituels et nettoyages énergétiques afin de chasser les mauvais esprits, qui auraient élus résidence parmi nous. Sauf que pour moi le mauvais esprit c’est elle et personne d’autre.
Pendant la cérémonie, elle va se sentir mal, et A. va venir la voir et passer une partie de la nuit avec elle à lui faire des câlins. Une fois qu’elle se sentira bien, elle va le laisser en plan, et avec sa soeur finira la soirée et la cérémonie à fumer des clopes sur le balcon en riant, tandis que A. qui est venu l’aider pendant l’étape où elle vivait mal la cérémonie, partira dans un profond délire noir, durant lequel il aura la sensation de mourir. Il appellera le chaman à haute voix en lui demandant de faire quelque chose, paniquera comme jamais, sera limite violent avec moi en me poussant car il aura pris la place de la médium, et quand il demandera de l’eau comme on demande à un chien de s’asseoir, m’enverra bouler à l’autre bout du monde tandis que je lui donne une bouteille qu’il ne prendra pas….
En même temps l’ami de J. vivra très mal la cérémonie, vomira toutes les plaies du monde, sera dans un état de délabrement total…. tandis que la médium, sa soeur et J. sont sur le balcon à boire du thé, fumer des clopes et rire à gorge déployée.
Je trouverai ces comportement vraiment inacceptables et à moment donné j’irai sur le balcon pour leur dire de une « faites moins de bruit » et de deux, J. est-ce que tu peux venir t’occuper de ton ami qui est au plus mal ? Il me répondra le chaman est là pour ça. La médium aussi. Je la regarderai et lui dirait que c’est ce qu’on aurait dû dire à A. quand il est venu passer deux heures avec toi à te prendre la main pendant que tu te sentais mal….. là j’ai senti que ça pouvait partir en live.
J’étais énervée contre le chaman aussi, je trouvais que le dernier accompagnement n’était pas à la hauteur et j’avais l’impression qu’il avait baissé les bras face à cette mauvaise foi.
La dernière cérémonie a été pour moi horrible à cause du groupe et du manque de support. Je suis partie dans ma chambre à 3 heures du matin, j’ai dormi et à 8 heures du matin le dimanche j’étais dans la voiture et je rentrai sur Paris sans dire au revoir à personne.
La Conclusion
Et bien malgré tout, malgré cette dernière cérémonie décevante, je n’ai gardé absolument aucune rancune, ni même créée de nouvelle cicatrice (si ce n’est celles du Kambo) dans mon être et/ou mon âme.
Sur 6 cérémonies d’Ayahuasca, deux ont eu un effet dont une très puissante. Les autres pas grand chose.
Le Bufo et le Kambo sont à mon sens d’utilité publique, à condition que la personne soit bien accompagnée et surtout prête à guérir et pas avec une intention de prendre la drogue dans un but purement récréatif.
Pour moi, il y a un avant et un après, que ce soit dans ma vie, dans ma tête, dans mon être, mon âme, mon ressenti. Bénéfique ? Plus que jamais. J’ai gagné en lucidité, j’ai vraiment réussi à tirer un trait sur le passé qui venait me hanter et ça franchement c’est le plus beau cadeau que je pouvais recevoir. Je n’ai plus le désir de mourir pour refaire une vie nouvelle dans un nouveau corps et nouvel environnement. J’ai très envie de continuer sur mon chemin et surtout j’ai remis les pieds sur la terre que j’avais perdue. J’ai quitté l’asphalte, le bitume et le goudron, je foule une terre fertile qui ne demande qu’à être cultivée.
Depuis ces deux retraites, même dans une situation qui aurait pu créer un certain inconfort ou réveillé une grand fureur en moi, ni l’un ni l’autre de ces scénarios ne s’est déroulé. J’ai géré, et tout en le gérant j’ai été témoin de mes émotions et de mon comportement. Alors là c’est la chose la plus difficile à expliquer, quand on dit que l’on devrait « voir » nos émotions pour les consulter et les analyser afin de les processer, c’est extrêmement abstrait, et pourtant c’est quelque chose que je fais maintenant naturellement. Quand je discute ou que j’ai des échanges je n’entends plus les phrase ou je ne lis plus les mots comme auparavant, je vois leur sens et je comprends la portée qu’ils auront tout en visualisant la source.
A la question est-ce que je participerai à une nouvelle retraite chamanique? La réponse est oui, absolument, et même je peux vous dire que ce sera dans le courant du mois de septembre prochain.
Pourquoi ? Parce que je crois vraiment en la guérison par ces plantes. Et que j’ai encore un voile à soulever : j’aimerai retourner voir cette petite fille qui pleurait. Il ne faut pas non plus que je chérisse trop d’attente je le sais bien, je sais aussi que je peux tomber dans mes travers les plus noirs mais une petite voix au fond de moi me dit que je dois y retourner. Et je retournerai le faire avec les mêmes personnes, malgré tout l’encadrement est idéal, leurs connaissances sont de qualité. Ma seule petite crainte est le groupe, j’ai compris qu’en fait la cérémonie ne dépendait pas tant des capacités des chamans, mais plus dans la qualité des participants. Personnellement je pense avoir une longueur d’avance car je sais un peu à quoi m’attendre, donc je commence à me préparer mentalement et physiquement il faut que j’arrête de manger des brioches tous les matins, et le reste suivra.
Merci d’avoir pris le temps de lire ces articles !