J’ai une vingtaine d’année, j’habite à l’époque chez mon copain à Auvers-sur-Oise, je travaille à Paris. Tous les jours je prends le RER et le métro. Un soir en sortant du travail j’achète des fraises. Une fois installée dans le RER, je commence à les manger le plus simplement du monde. Je m’aperçois que l’on me regarde, un, puis deux, puis trois mecs. Au fur et à mesure que les stations passent, seulement un reste à me fixer. Je ne comprends pas ce qu’il veut, je veux juste manger mes fraises.
Arrive ma station. Je descends. Il descend. Il s’approche de moi et me sourit. Comme je suis polie je lui souris à mon tour. Il me demande si je veux aller faire un tour… je le regarde et je comprends. Je lui dis « mais ça va pas la tête ». Il me regarde et me dit « Mais je suis descendue exprès, j’ai raté ma station à cause de vous ». Je pars en courant.
NB. Plus tard je découvris que manger une banane dans la rue, pouvait aussi être source de problème…
Episode II
Toujours dans la vingtaine. On est en été je porte une robe. Je sors du métro. Un mec assez âgé (dans la quarantaine mais à l’époque j’avais 20 ans, donc vieux), vient vers moi. Il me sourit, très courtois et veut que je le suive. Je lui demande pourquoi, il me prend la main. Nous sommes sur les Champs Elysées, il y a plein de monde. Son mouvement est naturel. Il m’emmène dans une cour intérieure, entre deux cafés, on est en plein jour. Il me lâche la main, se retourne vers moi et me demande s’il peut « les » voir ? Je ne comprends pas… il me montre mes seins….
Je pars en courant. Il me traite de salope.
Episode III
Je suis sur le Boulevard Magenta, en Velib’. La pire piste cyclable de tout Paris. Je dois avoir une petite trentaine, je suis déjà prof de Pilates, je porte un legging. J’arrive entre Barbès et la Goutte d’Or, un mec marche sur la piste en face de moi. Il me regarde et passe sa langue sur la lèvre, sa main sur son entrejambe en me traitant bien évidemment de salope. Je suis en rage, je viens de terminer mes cours, je suis fatiguée. Je lui hurle dessus en le traitant d’impuissant. Il me court après.
Je pédale super vite jusqu’à en perdre haleine.
Episode IV
Je prends le bus. Je porte une jupe. Je suis assise. Un homme à côté vient s’asseoir et je sens sa main qui cherche à toucher ma cuisse. Je suis super jeune. J’ai peur. Je me colle le plus possible à la vitre pour éviter ses doigts. Je n’y arrive pas. Je suis tétanisée, le bus est plein. Je ne dis rien, je subis. Lui il sourit, pépouse le mec, tranquille tout va bien.
Je descends en courant à la prochaine station, qui n’est pas la mienne. Je marche pour rentrer encore choquée.
Sur le chemin on me demande comment je m’appelle, je ne réponds pas, je me fais alors traiter de salope.
Episode V
Je suis dans la quarantaine. Gare d’Annecy, au téléphone avec une amie.
Un mec bourré assis par terre m’interpelle, je l’ignore, il continue, il me traite de tous les noms car je l’ignore. Ce n’est pas le soir, nous sommes en plein jour, il y a plein de monde autour.
Je fais les 100 pas car j’attends qu’on vienne me chercher, cette conversation au téléphone est ma béquille. Le mec continue et continue.
A un moment donné je craque. Je vais le voir et je lui hurle dessus de toutes mes force en lui disant « mais c’est comme ça que vous parlez aux femmes, vous êtes qui bordel? ».
Résultat : il se ratatine dans son coin, s’excuse, et je ne l’entends plus.
Ma première victoire.
Récemment
J’ai repris les entrainements à la piscine. Un jour de grande fréquentation, le type derrière moi me touche la jambe. Il s’excuse, je le comprends la ligne est tellement bondée c’est normal. Plus tard, il recommence, cette fois sa main dans mon entrejambe, je ne souris plus. Il recommencera avec une autre.
Arrivée à la fin de ma ligne, il est derrière moi. Je me retourne, lui hurle dessus.
Il sort en courant de l’eau, part dans les douches. Je vais voir les maîtres nageurs pour leur expliquer. Trop tard, le mec est parti. De plus avec les lunettes et le bonnet je serai incapable de le reconnaitre, je ne me rappelle même plus à quoi ressemblait son maillot, car je ne regarde pas les maillots des mecs à la piscine.
Récemment bis
Je suis dans le tramway. Un homme vient s’asseoir à côté de moi. Il regarde son téléphone. Je sens son coude contre mes côtes. Il tourne légèrement le téléphone vers moi. Je regarde en biais.
Il mate une vidéo pornographique. Son regard rivé sur l’écran, il n’ose pas m’affronter directement mais me fait comprendre qu’il aimerait bien que je fasse comme lui. Mon premier réflexe je tourne la tête, je fixe la fenêtre. Il continue.
Alors je me tourne vraiment lui, je l’affronte, je le traite de pervers. Bien évidemment même si le tramway est bondé, personne n’a vu (même pas le mec à côté debout ?), et personne ne comprend ma réaction. Lui tout aussi courageux, descend à la prochaine station.
Etc
Des histoires comme ça j’en ai plusieurs. Ce sont les miennes, mais je suis certaine que ce sont aussi les vôtres.
Je ne parlerai pas du petit ami, qui sous prétexte d’être le « petit ami » trouve tout à fait normal de s’envoyer en l’air à chaque rencontre, chaque soir dès lors que vous habitez ensemble, et ne cachera pas son mécontentement quand non on ne veut pas, ne comprendra pas les fois où vous avez dit okay pour être tranquille. Et proposera des alternatives les jours où vous avez vos règles.
Je me rappelle de discussions lunaires avec des mecs de mon âge à l’époque, qui maintenant doivent avoir la cinquantaine, me donnant des leçons pour déterminer si une femme était « vaginale » ou « clitoridienne » quand eux-mêmes ne pouvaient pas faire la différence ni même trouver la chose du délit.
Ou le jour à Montréal, après une fausse couche et un curetage, lors d’une visite de contrôle je me suis retrouvée les jambes écartées devant le chirurgien et un étudiant « car il faut bien qu’il apprenne le métier ».
Pour conclure
Les fois où j’ai parlé de ces incidents, à des amiEs, il m’est arrivé d’entendre de leur bouche : « mais qu’est-ce que tu as fait pour vivre ce genre de situation »…. ou bien « mais tu étais habillée comment ? » – et de me voir justifier pour me défendre.
Je pense qu’une certaine hypocrisie règne avec les relations entre femmes. Je pense que si l’on demandait aux femmes de notre entourage, toute génération confondue, de raconter leur expérience, toutes auraient au moins une histoire à dire.
Dans un tout autre registre, si une femme sort avec un homme marié, c’est elle la briseuse de ménage. C’est elle l’ennemie pour l’autre femme. C’est forcément de sa faute.
Si le petit copain de votre meilleure amie vous drague, c’est de votre faute. Vous perdrez votre amie qui préférera rester avec son copain en s’éloignant de vous.
Etre une femme c’est merveilleux. Et dur. Nos sociétés manquent d’éducation. Tous pays confondus. Au lieu d’apprendre aux femmes à se défendre en cas d’agression, ou créer des kits de vêtements anti-viols, ce qui en soit est aussi très bien j’entends bien, on devrait pouvoir enseigner aux jeunes garçons, avant qu’ils deviennent des hommes, que la femme n’est pas un produit en libre service, disponible de suite à volonté.
J’apprécie la nouvelle génération qui met en avant ces problèmes et qui en parlent ouvertement sans aucune gêne.