Il y a un mois, jour pour jour, je suis tombée dans une posture de Yoga : Kukutasana. Seul mon ego en est responsable. J’étais psychologiquement faible dû aux récents changements dans ma vie et physiquement en mode guerrière.

J’ai perdu l’équilibre, j’ai senti que je perdais l’équilibre mais au lieu de me résigner j’ai continué de me battre inutilement contre une posture que je fais habituellement de manière automatique.

Résultat, éclatage en règle de l’arcade souricilière gauche, deux points de suture.

J’ai du me rendre aux urgences de manière hebdomadaire pour changer mon pansement et nettoyer la plaie qui a mis plus de temps que prévu à cicatriser. Rien de grave, j’ai appris à ralentir mes pratiques et surtout à m’écouter.

Le sujet n’est pas là.

A l’hôpital de Pattaya il n’y a pas de secteur « pansement », pour changer et nettoyer votre plaie vous devez vous rendre aux urgences, c’est le seul service qui s’en occupe.

Trois jours après mon accident, oeil au beurre noir de rigueur, je me rends comme d’habitude aux urgences.

Je donne ma carte patient, on me donne un formulaire, je vais dans le service urgentiste où je remets mon formulaire dans une corbeille et je ressors pour attendre mon tour.

De manière générale j’attends un gros 45 minutes, mais ce jour là au moment où je remets ma fiche une femme, mère, rentre par la grande porte des urgences avec un enfant dans les bras.

Elle pleure, elle crie en Thaïlandais, l’enfant a l’air endormi, je me dis rien de grave et je pars attendre mon tour sur les banquettes à l’extérieur.

La porte est vitrée et dans la confusion générale elle n’est pas fermée.

J’assiste placide au déroulement…..

On allonge l’enfant sur le lit. Il hurle.

Les infirmiers et infirmières s’affairent autour de lui, les parents en retrait parlant dans leurs langues. Je ne comprends rien. En revanche corporellement parlant je comprends qu’il y a un problème.

On essaie de calmer l’enfant qui gesticule dans tous les sens. La minute d’après on lui a mis des tubes dans le nez. Il saigne.

Il gesticule, il hurle, on l’attache au lit.

La mère et la famille sortent de la salle complètement bouleversés. Le père ou le frère ou je ne sais pas commence à appeler des gens au téléphone pour les prévenir de l’accident ou je ne sais pas…. je ne sais rien… je suis témoin d’une scène surréaliste.

Je regarde l’enfant. Plus je le regarde plus je me rends compte de la quantité de sang qu’il perd, je ne comprends pas, mon coeur bat vite, j’ai mal pour lui, j’ai mal aux entrailles.

Des médecins, infirmiers, urgentistes sont autour de lui, chacun essayant de faire son travail….. dans un calme complètement absolu…. personne ne crie, personne ne hurle sur personne, on n’entend que les cris de l’enfant.

Puis plus rien…..

On ferme les rideaux, on bouge le brancard à une autre place. On n’entend plus l’enfant. La mère retourne à l’intérieur, elle hurle et pleure.

Je comprends que l’enfant est décédé.

Je suis sous le choc.

C’est mon tour de rentrer dans les urgences, je suis blême. On me demande de m’allonger sur le lit et la même personne qui 5 minutes avant s’affairait auprès de l’enfant, me retire mon pansement, me nettoie ma plaie…. me demande si j’ai mal ??!!!! je réponds NON, elle me demande « why crying »????

J’essaie de lui expliquer que je me sens coupable, coupable d’être ici pour deux malheureux points de suture alors qu’un enfant est décédé devant mes yeux.

Le dialogue ne passe pas, elle ne comprend pas l’anglais…. elle me sourit !!!

Je quitte l’hôpital, je suis ailleurs. J’ai eu du mal à redescendre, je n’ai rien compris à cette scène. Je passe ne mode binaire, on/off, on/off, jour/nuit, mort/vivant…..

La seule chose que j’ai retenue c’est que tout peut basculer d’un instant à l’autre. Aujourd’hui vivant, demain mort. Aujourd’hui heureux, demain triste. Aujourd’hui riche, demain pauvre. Aujourd’hui ici, demain ailleurs.

On dit toujours de vivre dans le présent et c’est tellement vrai. Soyons conscient de ce que nous faisons maintenant et ici.

N’attendons pas d’être à l’aube de notre mort pour dire « ah si j’avais su » car on ne sait jamais, en fait on ne sait rien.

La Vie ne nous appartient pas, nous lui appartenons.

Alors Vivons là du mieux que nous pouvons en ne donnant que le meilleur de Nous!