Souvent on entend parler de pratique méditative par le biais des postures de yoga.

On dit que le mouvement amène à la méditation, que la synchronicité du souffle conjointement lié aux mouvements permet l’accès à la méditation.

Dans un tout autre registre lorsque je dis aux élèves qu’ils doivent utiliser le nombre de respiration tenue dans la posture pour aller un petit plus “loin”, certains restent surpris car ils ont appris que la posture devait être confortable et donc stable, sous entendu complètement statique.

On se retrouve avec un mélange de différentes pratiques.

Sthira Sukham Asanam

C’est LE sutra par excellence de Patanjali que l’on assaisonne à toutes les sauces. De la même manière pour définir un “yogi” on parlera de Ahimsa…. Mais c’est un autre sujet.

Effectivement la posture de Yoga se doit d’être stable et confortable, et la personne qui la pratique devrait être dans un espace heureux. C’est la définition ultime.

Pour autant on ne sait pas de quelle posture dont il s’agit. Lorsque l’on sort ce sutra pendant un cours de Vinyasa où l’on invite les élèves à la posture confortable en leur proposant Kapotasana ou Virabhadrasana III par exemple, il me semble que l’on se trompe un peu.

Pour cela il faudrait pouvoir analyser la hiérarchie du Yoga.

Les postures ne représentent pas le “Yoga”.

Le Yoga n’est pas l’asana.

Pratiquer des postures de yoga (asana) ne veut pas dire pratiquer le Yoga.

En revanche par la pratique des postures de yoga on se prépare à celle du Yoga.

Il est bon de dire que l’asana est un outil qui nous amène, nous prépare avant tout physiquement à la pratique du Yoga.

Personne ne méditera en Virabhadrasana III, en poirier sur la tête ou dans une flexion arrière. En revanche ces postures ont chacune leur particularité et leur utilité.

Elles calment, créent de l’espace dans les articulations, assouplissent la cage thoracique, stabilisent la respiration, autorisent une concentration.

Une fois la pratique des postures faites il devient plus facile de s’installer dans une posture assise, au sol que ce soit les jambes croisées, le dos contre un mur, Padmasana, Virasana, Sukhasana, Sidhasana.

La racine du mot asana se prend dans celui “assis”. Il s’agit donc d’une posture au sol pour laquelle le bassin sera ancré et stable (car à plus ou moins long terme on commencera à visiter les Bandhas).

C’est seulement à partir de ce moment là que l’on commencera alors à parler de “Sthira Sukham Asanam”, c’est ici qu’il prendra alors tout son sens.

Le travail effectué en amont est le visa apposé pour aller vers la posture stable. Mais pendant la pratique des postures de yoga il sera difficile de placer cette phrase car les postures de yoga sont actives et non statiques.

Lorsque l’on reste 5, 7, 9 ou 12 respirations on devrait pouvoir utiliser ce temps imparti pour explorer les possibilités physiques de notre corps ainsi que sa capacité à épouser la posture pour voir l’histoire qu’elle nous raconte. 

Prendre possession de la posture et y imprimer notre ADN afin de la reproduire en fonction de ce que nous pouvons faire ici, maintenant, dans le moment présent. 

Aller directement dans une posture finale et n’y rester que le temps d’un soupir ne sert à rien. 

La méditation

L’état de méditation est encore autre chose. 

On peut effectivement sentir un apaisement pendant une pratique de postures de yoga, ou de pranayamas, mais pour autant ce n’est pas de la méditation.

La méditation arrive, elle ne se pratique pas. On ne peut pas apprendre la méditation. 

On ne peut pas s’asseoir sur le tapis et dire “tiens je vais méditer”. Au mieux on restera assis en essayant de ne penser à rien, mais pour autant ce ne sera pas de la méditation.

En revanche on utilise des outils tels que Asana et Pranayama pour se préparer à entrer dans état méditatif.

Dans la philosophie du Yoga le corps humain est perçu comme un immeuble ayant 10 portes.

Les 10 sens dans la méditation

Les 10 sens médiation du yoga

Vers le monde Interne

5 sont les portes d’entrée, appelée Jnanendriyas (mot composé du mot Jnana qui est la Connaissance et Indriya qui veut dire les Sens). 

Ce sont les 5 sens cognitifs – le toucher, l’odorat, le goût, la vue, l’ouïe.

Vers le monde Externe

5 autres sont les sorties, appelées Karmendriyas (mot composé du mot Karma qui veut dire l’action et Indriyas qui veut dire les Sens). 

Ces 5 sens représentent le fait de s’exprimer – le fait d’éliminer, se reproduire, se déplacer, l’avarice, et l’action de parler. 

Rester un témoin conscient et actif de ces dix sens pendant leur fonctionnement est une étape importante de la méditation.

La méditation arrivera dès lors qu’aucun des ces 10 sens n’affecteront le pratiquant.

Cela ne veut pas dire que le pratiquant ne ressent plus rien et qu’il y a suppression de l’ego. 

On parle trop souvent de l’ego comme quelque chose de mal, et qu’il faudrait à tout prix tuer pour pouvoir devenir une meilleure version de nous mêmes.

Mais l’ego est “nous”, si l’on tue l’ego alors on se suicide et la méditation même si très complexe, n’invite pas à ça.

La méditation autorise par le retrait des sens une projection du soi vers le tout. 

Pour réussir à atteindre cet état d’équanimité totale il faut pouvoir non pas fuir les émotions, les gens, les situations, les mémoires et souvenirs qui nous obsèdent et accessoirement nous pourrissent la vie, mais les regarder, les analyser, les comprendre, les vivre.

Si l’on doit être en colère Patanjali ne dit pas de tendre la joue gauche à ceux qui nous ont offensé, il dit simplement soit en colère mais bien, correctement, de toutes tes forces. Mais une fois que la colère a été exprimée sous toutes ses formes, que ce moment est passé, plus JAMAIS tu n’y reviens.

Et là se trouve la difficulté. Car en tant qu’être humain il est très difficile de ne pas être impacté par des souvenirs douloureux.

C’est seulement à partir de ce moment là, que l’on parlera alors de méditation car rien, absolument rien de tout ce qui nous entoure ne pourra venir perturber les perturbations du mental.

C’est un travail de fond, qui ne peut pas arriver dans un cours de 90 minutes et qui certainement ne pourra pas se faire en équilibre sur la tête.

Alors c’est bien de connaitre ces classiques, mais c’est mieux de les comprendre.

Car à force d’utiliser à tort et à travers des phrases que l’on entend à tout bout de champ “c’est pas très yogi tout ça, où est Ahimsa?”, “C’est mon Dharma”, “Ouvrez le chakra du coeur et faite des gros aaaah” etc. 

On en est arrivé à résumer tout un chemin de vie dans une pratique certes essentielle de postures de yoga mais pour autant qui est en rien méditative.